Hausse des séjours à l’hôpital liés à la consommation de substances durant les premiers mois de la pandémie de COVID-19

Le 6 mai 2021 — De mars à septembre 2020, près de 81 000 séjours à l’hôpital découlaient de méfaits causés par l’utilisation de substances comme l’alcool, les opioïdes, les stimulants et le cannabis, selon nos données. Cela constitue une hausse d’environ 4 000 séjours comparativement à la même période en 2019.

L’augmentation du nombre de séjours est plus marquée chez les hommes et les personnes qui vivent dans un quartier à faible revenu.

« De telles données nous rappellent toujours les graves répercussions de ce type d’hospitalisation sur la qualité de vie des patients », commente Tracy Johnson, directrice, Analytique du système de santé, à l’ICIS. « Des experts nous disent que beaucoup de gens n’ont pas pu profiter des services communautaires de soutien en santé mentale en raison du confinement durant les premiers mois de la pandémie. L’augmentation du nombre de personnes ayant dû se rendre à l’hôpital peut donc être considérée comme une conséquence inattendue de la COVID-19. »

Recul du nombre de visites aux urgences liées à l’alcool plus prononcé chez les jeunes

Au Canada, environ une personne sur 3 âgée de 16 ans ou plus a déclaré avoir augmenté sa consommation d’alcool durant les premiers mois de la pandémie, et les taux de consommation sont plus élevés chez les répondants ayant un problème de santé mentale ou de toxicomanie. Cette information est tirée d’un sondage du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCDUS). Selon un autre sondage (en anglais seulement), l’ennui et le stress étaient les raisons les plus souvent citées pour expliquer la consommation accrue d’alcool.

Les données de l’ICIS démontrent toutefois que les visites aux urgences ont diminué pour les états moins graves liés à l’alcool, comme une intoxication. Cette baisse est plus marquée chez les jeunes (de 10 à 29 ans), ce qui, selon les experts, est probablement attribuable à la fermeture des bars et aux restrictions concernant les grands rassemblements.

« Nous savons, grâce à des études antérieures, que 75 % des jeunes qui consomment de l’alcool au point de finir aux urgences prennent des boissons à haute teneur en alcool, comme des spiritueux », explique Catherine Paradis, analyste principale, Recherche et politiques, au CCDUS. « Ce type de boisson fait parfois l’objet de prix promotionnels dans les bars. L’accès limité aux spiritueux, au service de bouteilles et aux promotions qui incitent à la consommation semble avoir une influence directe sur le nombre de jeunes Canadiens qui se retrouvent à l’hôpital en raison d’une intoxication. »

D’après Catherine Paradis, au fil de l’allègement des restrictions qui s’appliquent aux bars et aux rassemblements d’envergure, « nous devrons rappeler aux gens les mesures préventives de base pour éviter de trop boire. Il sera intéressant de voir s’il y aura un bond dans les visites à l’hôpital peu après les réouvertures officielles ».

L’alcool est davantage lié à la socialisation que les autres substances. Mais depuis le début de la pandémie et la fermeture des bars doublée de l’interdiction des fêtes, on constate une diminution des visites aux urgences chez les jeunes. — Catherine Paradis, analyste principale, Recherche et politiques, Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances

L’alcool a joué un rôle dans plus de la moitié des séjours à l’hôpital dus à des méfaits causés par l’utilisation de substances durant l’exercice 2019-2020, selon les derniers résultats des indicateurs de l’ICIS liés aux priorités partagées en santé.

Hausse des hospitalisations et des décès liés aux opioïdes

Les visites aux urgences et les hospitalisations découlant de méfaits causés par les opioïdes ont augmenté de mars à septembre 2020 comparativement à la même période en 2019.

« Il n’est pas rare pour un consommateur d’utiliser plus d’une substance à la fois, ce qui augmente le risque de surdose. On constate par exemple que dans la majorité des décès accidentels dus à la toxicité des opioïdes, la personne avait aussi pris un stimulant comme la méthamphétamine ou la cocaïne », précise Vera Grywacheski, épidémiologiste principale à la Division des méfaits liés aux substances de l’Agence de la santé publique du Canada.

La proportion de séjours à l’hôpital pour usage de stimulants augmente depuis 2017; cette tendance a d’abord été observée dans l’Ouest du Canada et s’étend maintenant jusque dans l’Est.

En 2019-2020, les stimulants étaient associés à 14 % des séjours à l’hôpital, contre 11 % en 2017-2018.

La suspension temporaire de programmes de réduction des méfaits, de thérapies liées à l’utilisation de substances et d’autres services a limité le nombre de ressources disponibles pour les gens aux prises avec des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie, ce qui a probablement entraîné une hausse des méfaits causés par les opioïdes durant la pandémie.

Tout au long de 2020, la crise des surdoses s’est aggravée partout au Canada. Nos données trimestrielles les plus récentes démontrent qu’il s’agit de la pire année en termes de décès causés par des surdoses d’opioïdes depuis le début du suivi en 2016. C’est peut-être dû à une hausse de la toxicité des drogues durant la pandémie de COVID-19, à la consommation en solitaire, aux changements dans les services d’aide ou à l’isolement ressenti par les utilisateurs. — Vera Grywacheski, épidémiologiste principale, Division des méfaits liés aux substances, Agence de la santé publique du Canada

Plus du tiers des adultes hospitalisés en raison de méfaits causés par l’utilisation de substances souffrent aussi d’un problème de santé mentale comme l’anxiété, la dépression ou la schizophrénie.

Lisha Di Gioacchino, qui a nécessité des soins à l’hôpital pour une intoxication aux opioïdes, à la cocaïne et à l’alcool dans les premiers mois de la pandémie, est d’avis qu’elle aurait eu besoin d’un meilleur accès aux soins dans la collectivité.

« Nous avons vécu beaucoup de changements chez moi à cause de l’obligation de télétravail et de la récurrence de symptômes de troubles mentaux », précise-t-elle. « En plus, le counseling en personne, les programmes de groupe et le soutien par les pairs n’étaient plus accessibles. Tout ça a été difficile et a contribué à mes symptômes de troubles liés à l’utilisation de substances, qui étaient pourtant adéquatement pris en charge avant la pandémie. »

 

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