Suivi des mesures liées au milieu de travail

Le 29 février 2024 — La pandémie de COVID-19 a intensifié le cycle des défis de dotation en personnel et de l’épuisement professionnel chez les travailleurs de la santé. Il est essentiel de bien comprendre la demande de main-d’œuvre à la lumière des taux de postes vacants, des heures supplémentaires et de l’expérience des travailleurs de la santé afin de pouvoir élaborer des stratégies ciblées de maintien en poste qui favorisent le bien-être des travailleurs et améliorent à la fois les conditions d’emploi et la qualité des soins aux patients.

Suivi des postes vacants dans le secteur de la santé

Un portrait clair du nombre de postes vacants dans le secteur de la santé permet d’assurer un suivi de la demande dans le marché du travail et de relever les lacunes dans les capacités de la main-d’œuvre. Il s’agit d’une mesure essentielle pour orienter la planification de la main-d’œuvre. L’ICIS a travaillé de concert avec Statistique Canada à l’élaboration d’un ensemble de mesures pancanadiennes liées aux postes vacants dans le secteur de la santé pour différentes professions de la santéReference1.

En 2022-2023, une moyenne de 120 100 postes vacants dans le secteur de la santéNote de bas de page i ont été recensés au cours des 4 trimestres de l’exercice, soit 2 fois plus qu’en 2019-2020 (avant le début de la pandémie de COVID-19) et 4 fois plus qu’en 2015-2016. Le plus grand nombre de postes vacants concernait les préposés aux services de soutien à la personneNote de bas de page ii (30 800 postes), les infirmières autorisées et infirmières psychiatriques autorisées (28 000 postes) et certains travailleurs de la santé mentaleNote de bas de page iii (21 360 postes). Respectivement, ils représentaient 25,7 %, 23,3 % et 17,8 % de tous les postes vacants dans le secteur de la santé en 2022-2023 et collectivement, les deux tiers de ces postes.

Toutes les autorités compétentes ont enregistré une hausse du nombre de postes vacants dans le secteur de la santé en 2022-2023 (par rapport à l’année précédente), quoiqu’à divers degrés.

Le suivi des résultats des mesures de postes vacants permet de mieux comprendre la dynamique de l’offre (effectif) et de la demande en professionnels de la santé et peut aider à orienter les stratégies de recrutement et de maintien en poste, ainsi que celles visant à améliorer les programmes de formation. Pour explorer davantage les mesures relatives aux postes vacants dans différentes professions de la santé, consultez les Statistiques éclair sur la main-d’œuvre de la santé (voir la section Ressources connexes ci-dessous).

Suivi des heures supplémentaires

La mesure des heures supplémentaires peut donner un aperçu de la charge de travail du personnel. Les tendances qui s’en dégagent révèlent que les systèmes de santé du Canada fonctionnent au-delà de leurs capacités dans un effort pour répondre aux besoins en santé de la population. Or, cette surcharge peut entraîner un cycle d’épuisement professionnel et de stress accru pour les travailleurs de la santé.

Les données sur les dépenses de santé indiquent que, dans l’ensemble, le personnel des hôpitaux (à l’exception des médecins) a travaillé plus de 26 millions d’heures supplémentaires en 2021-2022Reference2. Le nombre d’heures supplémentaires que le personnel infirmier et les autres travailleurs de la santé en milieu hospitalier (à l’exception des médecins et du personnel de gestion) ont effectuées au sein des unités de soins aux patients hospitalisés se chiffrait à 14,2 millions, comme l’indique le document Tendances liées au personnel hospitalier et aux préjudices à l’hôpital durant la pandémie. Ces heures supplémentaires représentent une hausse de 53 % par rapport à l’année précédente et équivalent à plus de 7 000 postes à temps plein.

Le taux d’heures supplémentaires le plus marqué a été observé dans les unités de soins aux personnes hospitalisées en raison de problèmes de santé mentale ou d’utilisation de substances : 8 % des 23,2 millions d’heures travaillées dans ces unités en 2021-2022, soit 1,9 million, l’ont été sous forme d’heures supplémentaires. Or, la pandémie a exacerbé les problèmes de santé mentale et la détresse psychologique de nombreux CanadiensReference3, ce qui peut avoir contribué à intensifier la pression exercée sur ces unités.

Les unités de soins intensifs figuraient au deuxième rang des taux d’heures supplémentaires. En effet, 7,3 % des 30,7 millions d’heures travaillées dans ces unités, soit 2,2 millions, l’ont été sous forme d’heures supplémentaires en 2021-2022. Ce besoin accru d’heures supplémentaires dans les unités de soins intensifs était probablement lié à la pandémie de COVID-19. Les patients admis aux soins intensifs nécessitent des soins spécialisés qui sont particulièrement exigeants en ressources (dispensateurs hautement qualifiés, utilisation de technologie spécialisée et surveillance étroite et continue des patients)Reference4. Il peut être plus difficile de remplacer les postes dans ce secteur des soins (que ce soit à l’interne à l’issue d’un processus de perfectionnement, ou par le recours au personnel d’agences privées), ce qui peut augmenter la demande imposée au personnel en placeReference4.

Bien-être des travailleurs de la santé

Les heures de congé de maladie et le nombre de signalements liés à la santé mentale ou à la violence au travailReference5 sont également en hausse. Au cours de la première année de la pandémie, le nombre de demandes d’indemnisation pour perte de temps (en raison d’une maladie, d’une blessure ou de violence au travail) soumises aux programmes d’assurance par les travailleurs du secteur de la santé et de l’assistance sociale a augmenté de 50 % (près de 25 000 demandes de plus) par rapport à 2019Reference5 . En ce qui concerne le personnel infirmier, le nombre de demandes d’indemnisation pour perte de temps a presque doublé entre 2019 et 2020, pour dépasser le seuil des 11 000 demandesReference5 .

Le taux de congés de maladie du personnel (à l’exception des médecins) a bondi dans les hôpitaux en 2021-2022 après avoir connu une période de stabilité de 5 ans. Plus de 14 millions d’heures de congé de maladie ont été enregistrées dans les unités de soins infirmiers aux patients hospitalisés en 2021-2022, ce qui représente une hausse de 17 % par rapport à l’année précédente. Il s’agit là d’un changement considérable en comparaison de la croissance moyenne annuelle d’environ 3 % observée entre 2017-2018 et 2020-2021Reference6 . La quantité d’heures de congé de maladie — exprimée en pourcentage du total des heures travaillées — déclarée dans les unités de soins intensifs et les unités de soins obstétricaux était plus élevéeNote de bas de page iv (6,5 %) que celle déclarée dans les autres unités de soins pour patients hospitalisés (6 % en moyenne) en 2021-2022Reference2 .

Pour combler leur manque de personnel durant la pandémie, les hôpitaux ont fait davantage appel à des agences. La croissance moyenne annuelle du nombre d’heures travaillées dans les hôpitaux par le personnel d’agences, qui se chiffrait à environ 8 % avant la pandémie (entre 2017-2018 et 2019-2020), a atteint 32 % entre 2020-2021 et 2021-2022, pour un total de 4,8 millions d’heures.

Les difficultés de dotation en personnel ainsi que les effets négatifs sur la santé mentale du personnel engendrés par la quantité croissante d’heures supplémentaires peuvent créer un cycle d’épuisement professionnel et de manque de personnel. Ces problèmes peuvent avoir un effet de cascade sur les soins aux patients, et notamment induire un risque de préjudices involontaires. Dans l’ensemble du pays, le taux de préjudices à l’hôpital a augmenté pour atteindre 5,9 % en 2020-2021 et 6 % en 2021-2022 et 2022-2023, après s’être maintenu entre 5,3 % et 5,4 % depuis 2014Reference7 .

Ces tendances doivent être surveillées de près à mesure que s’intensifie la pression exercée sur la main-d’œuvre. Il faudra disposer de données plus détaillées sur l’expérience des dispensateurs de soins, notamment selon leur profession et leur champ d’activitéReference8 , afin de pouvoir élaborer des stratégies ciblées de maintien en poste susceptibles d’alléger la pression qui pèse sur une partie du système, de favoriser la santé globale de la main-d’œuvre et d’améliorer la qualité des soins.

Notes de bas de page

i.

Retour à la note de bas de page i dans le texte

Le terme postes dans le secteur de la santé désigne les « professions touchant la prestation directe de services de soins de santé aux patients, et les professions de soutien technique au personnel médical »Reference1, les psychologues, les travailleurs sociaux, les thérapeutes familiaux, les thérapeutes conjugaux et les autres conseillers assimilés, les travailleurs des services sociaux et communautaires, ainsi que les aides familiaux résidents, les aides de maintien à domicile et le personnel assimilé.

ii.

Retour à la note de bas de page ii dans le texte

Dans le cadre du présent rapport, les préposés aux services de soutien à la personne désignent les membres des groupes 3416 et 4412 de la Classification nationale des professions (CNP) de Statistique Canada.

iii.

Retour à la note de bas de page iii dans le texte

Dans le cadre du présent rapport, les travailleurs de la santé mentale comprennent les psychologues, les travailleurs sociaux, les thérapeutes familiaux, thérapeutes conjugaux et autres conseillers assimilés, et les travailleurs des services sociaux et communautaires.

iv.

Retour à la note de bas de page iv dans le texte

On calcule les heures de congé de maladie en pourcentage du total des heures travaillées en divisant le nombre d’heures de congé de maladie par la somme des heures de congé de maladie, des heures travaillées régulières et des heures travaillées supplémentaires, puis en multipliant ce résultat par 100 afin de l’exprimer en pourcentage.

Références

1.

Retour à la référence 1 dans le texte

Statistique Canada. Guide de l’Enquête sur les postes vacants et les salaires, 2023. Consulté le 17 novembre 2023.

2.

Retour à la référence 2 dans le texte

Institut canadien d’information sur la santé. Base de données canadienne SIG. 2023.

3.

Retour à la référence 3 dans le texte

Guerrero MD, Barnes JD. Profils de la santé mentale et leur association avec les répercussions négatives et les idées suicidaires pendant la pandémie de COVID-19 : une perspective canadienne. Rapports sur la santé. 2022.

4.

Retour à la référence 4 dans le texte

Société royale du Canada. La pandémie de COVID-19 : Impact sur les unités de soins intensifs au Canada. 2022.

5.

Retour à la référence 5 dans le texte

Association des commissions des accidents du travail du Canada. Statistiques nationales des accidents, maladies et décès professionnels. 2023.

6.

Retour à la référence 6 dans le texte

Institut canadien d’information sur la santé. La main-d’œuvre de la santé au Canada, 2022 — Statistiques éclair. 2023.

7.

Retour à la référence 7 dans le texte

Institut canadien d’information sur la santé. Tendances liées au personnel hospitalier et aux préjudices à l’hôpital durant la pandémie. Consulté le 14 novembre 2023.

8.

Retour à la référence 8 dans le texte

Gouvernement du Canada. Boîte à outils pour la rétention des effectifs infirmiers : Améliorer la vie professionnelle du personnel infirmier au Canada. Consulté le 14 novembre 2023.

 
 

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