La relance postpandémique passe par une main-d’œuvre de la santé résiliente

Le 2 août 2023 — Au cours des 31 premiers mois de la pandémie, environ 743 000 chirurgies (13 %) de moins qu’avant la pandémie ont été effectuées au Canada (à l’exclusion du Québec). Cette baisse a été davantage ressentie dans les quartiers à faible revenu.

Malgré la réduction du nombre de chirurgies, les heures supplémentaires travaillées en moyenne dans les hôpitaux publics canadiens en 2020-2021 ont connu une hausse de 15 % par rapport à l’exercice précédent, ce qui illustre clairement la pression que la COVID-19 a exercée sur les travailleurs de la santé.

La pandémie nous a appris à quel point la santé […] des systèmes de santé est essentielle au bon fonctionnement de la société. Nous devons prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte qu’ils puissent fournir des soins lorsque les gens en ont besoin.— Laura Greer, défenseure des droits des patients en Ontario

Le soutien aux travailleurs de la santé et la réduction des retards afin que les patients puissent obtenir les chirurgies dont ils ont besoin constituent l’une des priorités partagées en santé que les gouvernements du Canada et des provinces et territoires ont incluses dans leurs ententes de financement de février 2023Note de bas de page i. Dans la foulée, l’ICIS et des partenaires en matière de données ont été appelés à collaborer à la création et à la diffusion d’indicateurs visant à mesurer périodiquement les progrès réalisés.

La présente section donne un aperçu de 2 mesures de la résilience des systèmes de soins de santé au Canada :

  • L’ampleur des retards en chirurgie planifiée et non urgente causés par la pandémie de COVID-19
  • L’effectif national des médecins de famille et des infirmières, dont les infirmières praticiennes

Les systèmes de santé à la recherche de solutions aux retards dus à la pandémie

L’éclosion de la COVID-19 a entraîné l’annulation ou le report de nombreuses interventions chirurgicales planifiées et non urgentes, comme les remplacements articulaires et les chirurgies de la cataracte. Les hôpitaux devaient libérer des lits pour les patients atteints de la COVID-19 et prioriser les interventions urgentes et vitales. Par ailleurs, certains patients ont choisi de reporter leur chirurgie. Parallèlement, l’effectif et la disponibilité des travailleurs de la santé influaient sur les chirurgies pouvant être effectuées. Un scénario qui s’est répété au fil des différentes vagues du virus, chaque interruption des chirurgies prévues amplifiant les retards.

Remarques
Variation en pourcentage du nombre de chirurgies effectuées chaque mois de mars 2020 à septembre 2022, comparativement à 2019.

Certaines données sont provisoires et pourraient changer; elles doivent donc être interprétées avec prudence.

Sources
Base de données sur les congés des patients et Système national d’information sur les soins ambulatoires, 2018-2019 à 2022-2023, Institut canadien d’information sur la santé.
 

Pour combler les retards en chirurgies, les systèmes de santé provinciaux et territoriaux devront augmenter leurs volumes de chirurgies au-delà des niveaux prépandémiques. Des gains modestes en chirurgie — de 1 à 9 % — ont été réalisés au cours de plusieurs mois au pays (à l’exclusion du Québec) entre mars 2021 et juin 2022.

Selon un sondage international mené avant la pandémie, les temps d’attente déclarés par les patients pour une chirurgie non urgente étaient plus longs au Canada que dans d’autres pays développésReference1. Les systèmes de santé à l’échelle du Canada, qui ont consacré depuis 10 ans beaucoup d’efforts à la réduction des temps d’attente pour une chirurgie non urgente, s’appuient maintenant sur leurs acquis pour endiguer l’attente liée à la pandémie.

Baisse du nombre de chirurgies au pays durant les 31 premiers mois de la pandémie comparativement à 2019

Cette infographie est décrite ci-dessous
IndicateurT.-N.-L.Î.-P.-É.N.-É.N.-B.QcOnt.Man.Sask.Alb.C.-B.YnT.N.-O.Nun.Canada
Variation approximative en pourcentage du nombre de chirurgies effectuées chaque mois de mars 2020 à septembre 2022, comparativement à 2019-21 %0 %-9 %-13 %n.d.-15 %-18 %-14 %-10 %-7 %-8 %-8 %n.d.-13 %

Remarques
n.d. : non disponible.

Au moment d’établir les calculs, les données des hôpitaux du Nunavut (novembre à décembre 2019, mars 2020, janvier à mars 2021) n’étaient pas disponibles. Le Québec ne participe pas à l’exercice de production de rapports conjoints découlant de l’énoncé de principes communs sur les priorités partagées en santé. Les résultats pour le Québec ne sont donc pas disponibles.

Variation en pourcentage du nombre de chirurgies effectuées chaque mois, de mars 2020 à septembre 2022, comparativement à 2019.

L’analyse est fondée sur les données des hôpitaux soumises au 31 décembre 2022. Les données d’avril à septembre 2022 sont provisoires et pourraient changer; elles doivent donc être interprétées avec prudence.

Sources
Base de données sur les congés des patients et Système national d’information sur les soins ambulatoires, 2018-2019 à 2022-2023, Institut canadien d’information sur la santé.

L’effectif des travailleurs de la santé joue un rôle déterminant dans l’accès aux soins

Les travailleurs de la santé sont les piliers de nos systèmes de santé. Leur effectif constitue pour les Canadiens un facteur crucial de l’accès aux soins de première ligne et des temps d’attente pour une chirurgie ou une autre intervention.

Durant les premières vagues de la pandémie, les travailleurs de la santé de première ligne, dans les hôpitaux et les établissements de soins de longue durée, couraient un risque élevé d’attraper le virus et étaient épuisés du fait qu’ils devaient porter un équipement de protection individuelle pour dispenser les soins aux patients. Les 18 millions d’heures supplémentaires enregistrées dans les hôpitaux publics canadiens en 2020-2021 équivalent à plus de 9 000 postes à temps plein, ce qui donne une idée de la charge de travail accrue durant la première année de la pandémie. Ce surcroit de travail a contribué au surmenage et à la maladie, qui peuvent se répercuter à long terme sur la santé des travailleurs et les systèmes de santéReference2. Certains travailleurs ont d’ailleurs choisi de changer d’emploi, voire de carrière.

Les confinements ainsi que la réaffectation du personnel et des ressources ont nui à l’accès aux soins. Résultat : une diminution des soins non urgents et des chirurgies planifiées. Une combinaison de facteurs qui s’est traduite pour la plupart des médecins par une baisse du nombre de consultations. La première année de la pandémie a vu le nombre de services de soins de santé fournis par les médecins reculer de près de 8 % au Canada comparativement à l’année précédente. Au cours de la même période, le total des paiements versés aux médecins a fléchi (de 2 %) pour la première fois en 20 ans.

Le système s’est adapté en temps réel lorsque la crise a éclaté. La réduction du nombre d’interventions cardiaques et oncologiques a été relativement plus faible comparativement aux interventions pour des maladies chroniques, comme l’arthrite et les hernies, et aux interventions pédiatriques. De toute évidence, on a essayé d’accorder la priorité aux interventions chirurgicales les plus urgentes afin que toute personne dont la vie était en danger puisse bénéficier de ces interventions. Ce sont alors les problèmes qui ne mettaient pas la vie en danger de façon imminente, mais qui sont souvent très invalidants, qui ont été mis de côté.— Dr David Urbach, chef du service de chirurgie du Women’s College Hospital de Toronto

En plus des répercussions de la pandémie sur les travailleurs de la santé, une transformation s’opère au sein de l’effectif canadien des médecins et des infirmières, y compris les infirmières praticiennes :

  • Beaucoup de Canadiens peinent à obtenir des soins de première ligne, ce qui pourrait s’expliquer, entre autres, par le ralentissement de la croissance du nombre de médecins de famille depuis 10 ans. En effet, de 2012 à 2021, le taux de croissance annuel est passé de quelque 3 % à environ 1 %. Les infirmières praticiennes, qui peuvent dispenser une bonne partie des services de santé de première ligne, ont vu leur effectif augmenter à un taux annuel constant de près de 10 % sur la même période. Leur nombre reste cependant bien inférieur à celui d’autres professionnels comme les infirmières autorisées et les médecins de famille. Or, les infirmières praticiennes peuvent jouer un rôle important dans la prestation des soins de première ligne, particulièrement dans les régions rurales et éloignéesReference3.
  • Le nombre d’infirmières a augmenté dans la plupart des provinces et territoires, mais dans certains milieux de soins, c’est plutôt le contraire qui s’est produit. Par exemple, le nombre d’infirmières autorisées dispensant des soins directs dans les établissements de soins de longue durée a diminué d’environ 2 % entre 2020 et 2021.

Pour obtenir un portrait ponctuel de l’effectif des travailleurs de la santé, il faudra effectuer un suivi du nombre de médecins et d’infirmières, y compris les infirmières praticiennes, qui dispensent des soins directs ou cessent de le faire dans chaque province et territoire.

L’un des grands problèmes que nous avons dans ce pays, [c’est] qu’il n’y a pas de planification des ressources humaines de la santé à l’échelle pancanadienne. Nous n’avons pas de données à ce sujet. Nous ne connaissons donc pas nos besoins quant au nombre d’infirmières ou de travailleurs sociaux, par exemple. Ces données nous permettraient de mieux comprendre comment fournir des soins intégrés en équipe d’un bout à l’autre du pays de manière durable. — Dre Katharine Smart, pédiatre au Yukon et ancienne présidente de l’Association médicale canadienne

De nouveaux indicateurs sur les ressources humaines de la santé permettront de mieux évaluer les mouvements du personnel de la santé dans le système, soit les arrivées et les départs, en plus d’aider à la planification et au suivi des progrès dans le temps.

Que devons-nous savoir de plus?

L’amélioration des systèmes de santé du Canada nécessite la bonne combinaison et le nombre adéquat de travailleurs de la santé, pour ainsi permettre aux Canadiens d’avoir accès aux services lorsqu’ils en ont besoin. Nous savons que globalement, l’effectif des infirmières et des médecins augmente, mais nous sommes encore loin de savoir si nous formons assez de nouveaux professionnels, ni où et quand ils seront requis. Par ailleurs, nous devrons protéger les dispensateurs contre le surmenage et trouver d’autres façons de dispenser les soins de manière à favoriser l’équilibre travail-vie personnelle chez les travailleurs de la santé. Nous aurons besoin d’une main-d’œuvre de la santé résiliente pour combler les retards en chirurgie et répondre aux besoins changeants des Canadiens en matière de soins de santé.

Perspectives

C’est à plus long terme qu’il sera possible d’apporter les améliorations nécessaires et d’harmoniser les divers systèmes de données et mesures. L’ICIS tiendra les Canadiens au fait des progrès accomplis. Ce premier rapport offre un aperçu de l’information dont nous disposons dans chacun des 4 domaines prioritaires. Certaines données remontant à quelques années déjà, des provinces et territoires ont entretemps réalisé des avancées significatives, notamment en colligeant des données qui leur sont propres. Nous collaborerons donc étroitement avec nos partenaires en matière de données, de même qu’avec les provinces et territoires afin de peaufiner cet ensemble initial d’indicateurs, d’améliorer la comparabilité et de déterminer et d’élaborer de nouveaux indicateurs qui aideront à saisir les progrès réalisés au bénéfice des Canadiens.

Note de bas de page

i.

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Le Québec ne participe pas à l’exercice de production de rapports conjoints découlant de l’énoncé de principes communs sur les priorités partagées en santé.

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