Les soins de santé au Canada en suspens — Dr Michael Green, Dr Christian Finley, Dr Kishore Mulpuri et Laura Greer

Dr. Kishore Mulpuri, Dr. Christian Finley, Laura Greer, Dr. Michael Green

37 min | Publié le 14 juin 2022

La pandémie de COVID-19 a contraint les systèmes de santé du pays à modifier rapidement leurs priorités afin de sauver des vies, mais il en est résulté un énorme retard dans les soins, qui sera long à combler. Dans cet épisode du BISC, notre animatrice, Avis Favaro, s’entretient avec Laura Greer, qui a eu un cancer du sein pendant la pandémie, alors qu’elle n’avait pas accès aux tests de dépistage; avec le Dr Christian Finley, chirurgien thoracique à St. Joseph’s Healthcare Hamilton; avec le Dr Kishore Mulpuri, chirurgien orthopédique à l’hôpital pour enfants de la Colombie-Britannique; et avec le Dr Michael Green, médecin de famille à Kingston, en Ontario. Ensemble, ils discutent de leurs expériences personnelles dans le système de santé au plus fort de la pandémie, des défis auxquels font face les systèmes de santé et de tout ce qu’il faudrait faire pour remédier à la situation. 
Cet épisode est disponible en anglais seulement.

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Transcript

Avis Favaro

Bonjour et bienvenue au Balado d’information sur la santé au Canada. Nous l’appelons CHIP pour faire court. Je m’appelle Avis Favaro et je suis heureuse d’animer une toute nouvelle saison de ce balado de l’Institut canadien d’information sur la santé, mieux connu sous le nom d’ICIS. Notre objectif est d’examiner en profondeur le système de santé canadien en interrogeant des experts, des professionnels de la santé et des patients sur les défis et les solutions possibles.

Une remarque : les opinions présentées ici ne reflètent pas nécessairement celles de l’ICIS, mais il s’agit d’une discussion libre et ouverte sur notre cher système de santé et sur le travail accompli pour aider les Canadiens à rester en santé.

Cette semaine, nous parlons des soins de santé mis sur pause. Les données de l’ICIS montrent que les temps d’attente pour les interventions prioritaires ont augmenté de manière générale en raison de la pandémie de COVID-19, le gouvernement fédéral faisant état d’un retard estimé à 780 000 interventions chirurgicales à la fin de 2020. Des membres des premières lignes vont donc nous parler des répercussions de la COVID-19 sur l’expérience de soins des personnes atteintes d’autres maladies, et des raisons pour lesquelles les médecins disent voir un nombre élevé de patients qui ont besoin de soins urgents.

Des membres des premières lignes nous parleront des répercussions de la COVID-19 sur les soins médicaux essentiels offerts aux personnes ayant d’autres maladies, du ralentissement des activités de dépistage du cancer, de la hausse marquée de problèmes de santé parfois évitables et des efforts qui sont déployés pour rattraper les retards malgré des équipes de soins épuisées, surchargées et des pénuries de personnel prolongées.

Dr Christian Finley

Ce raz-de-marée qui nous a frappés, vous savez, ce n’était qu’une pause dans un système qui continue d’évoluer, donc nous avons fait un pas en arrière et maintenant il déferle sur nous. Et nos ressourceshumaines n’ont jamais été aussi fragiles.

Dr Michael Green

Si je voulais envoyer ma patiente faire un test de Pap ou une analyse des selles pour un dépistage du cancer colorectal, le laboratoire me renvoyait les requêtes en me disant qu’il n’était pas en mesure de faire ces analyses pour le moment.

Dr Kishore Mulpuri

Si vous êtes un patient ou un fournisseur, vous savez que ces personnes souffrent, et il est facile de remédier à ces souffrances.

Avis Favaro

Je suis en compagnie de quatre invités : trois médecins qui ont travaillé pendant la pandémie et une patiente qui a dû faire face à la tempête de feu.

Commençons par les présentations : qui êtes-vous et pourquoi avez-vous accepté notre invitation? Vous avez tous accepté très rapidement de participer au balado. Dr Green, pouvez-vous vous présenter brièvement?

Dr Michael Green

Bonjour, je m’appelle Mike Green. Je suis médecin de famille à Kingston et je suis chef du Département de médecine familiale et professeur à l’Université Queen’s. J’ai accepté l’invitation parce que le fait d’avoir accès à nous, médecins de famille, est la première étape essentielle pour que les gens reçoivent les soins dont ils ont besoin. Nous avons été très occupés durant la pandémie. Nous avons partagé notre temps entre les centres d’évaluation et nos bureaux, mais il y a encore beaucoup de retard dans les soins, et nous sommes vraiment en train de le rattraper. J’ai donc pensé qu’il serait bien de parler de ce que j’ai appris à ce sujet au cours de ces deux dernières années.

Avis Favaro

Bien. Nous allons en parler.

Dr Mulpuri, c’est à votre tour de vous présenter et de nous expliquer pourquoi vous avez accepté l’invitation.

Dr Kishore Mulpuri

Je m’appelle Kishore Mulpuri. Je suis l’un des chirurgiens orthopédiques pédiatriques de l’Hôpital pour enfants de la Colombie-Britannique. Je suis président du Département d’orthopédie de l’Université de la Colombie-Britannique et président de l’Association canadienne d’orthopédie.

J’ai décidé de me joindre à vous pour vous faire part de mon expérience en matière de soins musculo-squelettiques, qu’il s’agisse d’attendre d’être vu ou plus important encore, d’attendre que des interventions soient effectuées.

Pour vous faire part de certaines des leçons que j’ai apprises. Il y a des aspects positifs dans toute chose. Je dirais qu’il y a des aspects positifs qui sont ressortis. Quels sont-ils, qu’est-ce qui peut être fait, comment pouvons-nous travailler ensemble pour améliorer les soins pour ces patients et ces familles?

Avis Favaro

Et voilà les sujets.

Dr Finley, à votre tour de vous présenter.

Dr Christian Finley

Bonjour. Je m’appelle Christian Finley. Je suis chirurgien thoracique ici, à l’Université McMaster. Je suis également expert en chef au sein du Partenariat canadien contre le cancer et je travaille également en tant que responsable du dépistage du cancer du poumon en Ontario. Et la COVID-19 a eu des répercussions directes sur le système de soins de santé, tant du point de vue du cancer que de celui des poumons. J’ai donc effectué toutes les trachéotomies à notre hôpital pour des personnes ayant la COVID-19. J’ai donc été au chevet des malades pendant cette période et je suis heureux de pouvoir en parler. Et je suis toujours prêt à discuter avec les patients et le public.

Avis Favaro

Et Laura Greer, nous nous sommes croisées lorsque Laura travaillait à l’Hôpital pour enfants de Toronto (SickKids) et nous nous retrouvons dans un contexte différent. Laura, présentez-vous et expliquez pourquoi vous avez accepté notre invitation.

Laura Greer

Merci, Avis. Bonjour, je m’appelle Laura Greer et je suis directrice nationale du secteur de la santé chez Hill Knowlton Stratégies. Mon travail de jour consiste donc à offrir des conseils en matière de politique de santé et de promotion de la santé. Je travaillais sur le problème des retards – de dépistage du cancer, d’interventions chirurgicales, etc. – lorsque j’ai reçu un diagnostic de cancer du sein métastatique à la fin de 2021, à la suite de mammographies qui avaient été repoussées.

Je suis donc devenue une patiente dans ma propre coalition de promotion de la santé, si l’on peut dire. Je travaille avec un certain nombre d’organisations de patients et d’associations de professionnels de la santé sur la nécessité de s’attaquer à ce qui constitue un retard important dans le domaine du cancer. Je suis donc ici aujourd’hui parce que je sais que beaucoup d’autres patients dans ma situation ne sont pas en mesure de parler ou peut-être, et je le dis chaque semaine, si je ne faisais pas le métier que je fais dans la vie, ce serait beaucoup plus difficile que ça ne l’est. Je pense donc que c’est une perspective importante à mettre en avant. Je pense que tous les médecins vont nous parler des répercussions de la COVID-19 sur eux, mais je dirais que le fait de recevoir un diagnostic de cancer dans le contexte de la COVID-19 est une tout autre chose.

Avis Favaro

Êtes-vous actuellement traitée contre le cancer à cause de cela?

Laura Greer

Oui. Je prends un médicament oral contre le cancer, une thérapie ciblée, un inhibiteur de CDK 4/6, pour tous mes amis médecins, et un bloqueur d’hormone, ce qui fonctionne actuellement, ce qui est bien. Je suis un traitement depuis janvier. J’ai commencé mon traitement au plus fort de la vague Omicron, et j’ai donc eu l’occasion de faire l’expérience des difficultés rencontrées ici, en Ontario, du fait que le gouvernement ontarien ne couvre pas les médicaments anticancéreux oraux qui se prennent à domicile. Je vais donc parler de la nécessité de changer cela aussi. J’ai la chance que mes médicaments soient couverts par l’assurance privée offerte par mon employeur. Mais il y a encore des retards et il faut patienter plusieurs semaines pour commencer un traitement.

Avis Favaro

Comment vous sentez-vous?

Laura Greer

Ce qui est étrange, c’est que je n’avais aucun symptôme. Donc tout le monde a été surpris quand j’ai reçu un diagnostic de cancer de stade IV. Je me sens plutôt bien. Je travaille à temps plein. Je continue à faire toutes mes activités de maman, etc., mais c’est très difficile.

J’ai eu de la chance. Je suis allée voir mon médecin de famille au printemps dernier parce que j’avais des douleurs abdominales. L’hôpital le plus près de chez moi – Sunnybrook – avait installé un hôpital mobile dans son stationnement. Mon médecin m’a vue, mais nous n’avons pas pu déterminer la cause de cette douleur abdominale, mais j’ai demandé ce qu’il en était de ma mammographie. Je venais d’avoir 50 ans et j’avais déjà eu des mammographies parce que ma mère avait eu le cancer et tout ça. Alors j’ai demandé ce qu’il en était de ma mammographie. Qu’en est-il de ça? C’était un peu comme la liste des griefs que j’avais compilés au cours de l’année, et j’ai pu passer une mammographie, mais encore une fois, j’ai dû la demander. Personne ne m’a rappelé d’en passer une. J’ai dû attendre sept mois pour être admise à l’Hôpital Mount Sinai.

Avis Favaro

Il vous a donc fallu sept mois pour faire une mammographie, alors que vous étiez à haut risque?

Laura Greer

Et même, encore. Et puis comme ma sœur, qui aurait été dans le même cas, donc en novembre, quand j’ai reçu mon diagnostic, on lui a dit qu’il fallait attendre au moins cinq mois avant de pouvoir passer une mammographie. Et nous sommes au centre-ville de Toronto; nous n’aurions pas d’autres problèmes d’accès si je vivais dans une autre région de la province.

Avis Favaro

Qu’avez-vous ressenti par rapport à tout ce retard dû aux efforts pour contrôler la pandémie de COVID-19?

Laura Greer

J’étais en colère et j’ai eu une réaction inhabituelle : j’ai contacté des collègues et je leur ai dit que nous devions mettre cela dans les programmes en vue des élections. Que devons-nous changer? Je suis donc rapidement passée au mode solution parce que ça va être un défi encore plus grand. Je suis au début de cette aventure. Nous ne savons même pas combien de personnes attendent pour venir ici.

J’étais donc en colère – et je pense, Avis, que vous ou d’autres aussi, avez demandé ce que nous ferions différemment? Si l’on empêche les gens d’accéder aux soins primaires ou à d’importants programmes de dépistage, je pense que, rétrospectivement, nous nous dirons tous que ce n’était pas la bonne décision.

Avis Favaro

Ça m’amène au Dr Finley, parce que je vous vois acquiescer de la tête aux propos de Laura. Entendez-vous d’autres histoires comme celle de Laura?

Dr Christian Finley

Je suis si incroyablement sympathique à sa cause. Vous savez, c’est tellement difficile de parler d’une expérience très personnelle et de fournir des données et de parler du point de vue médical des choses. Mais, Laura, avec votre permission, je vais fournir quelques statistiques pour que les gens puissent comprendre le contexte.

Nous pensons donc que des personnes ont essayé de modéliser l’effet de cette interruption puis de ce retard, et l’on pense qu’il y aura probablement 20 000 décès supplémentaires dus au cancer. Et que pour le cancer du sein en particulier, il y aura 3 500 cancers de plus que le nombre qu’on aurait diagnostiqué habituellement. Et 550 d’entre eux seront à un stade avancé.

Il s’agit d’une énorme vague de cas, et je suis sûr que les Drs Mulpuri et Green parleront de leur expérience de ce raz-de-marée qui nous a frappés. Il y a une pause dans un système qui ne cesse d’avancer, alors il a juste reculé et maintenant, il se précipite sur nous.

De plus, notre situation en matière de ressources humaines n’a jamais été aussi précaire dans presque tous les domaines. Il y a eu une augmentation de 80 % des offres d’emploi.

L’autre jour, j’ai reçu une patiente pour laquelle on a drainé un liquide cancéreux autour de son cœur. Elle est restée à l’hôpital toute la nuit et il n’y avait personne pour aider sa voisine à aller aux toilettes. C’est donc elle qui, après avoir subi une chirurgie à la poitrine, est allée aller aider sa voisine à se lever pour aller aux toilettes parce qu’il manquait de personnel.

Donc, tout cela se passe à une époque où l’on nous demande d’essayer de rattraper le retard. Je compatis sincèrement à l’expérience de Laura. Et je me retourne et, en sortant de la salle, je dois faire face à une foule de 70 personnes qui attendent, assises devant ma porte, pour me voir.

Avis Favaro

Comment vous sentez-vous quand vous rentrez chez vous?

Dr Christian Finley

Épuisé. Je pense que nous avons chacun nos expériences personnelles, nos histoires d’épuisement et nos motivations, mais il y a beaucoup de gens qui sont partis. Il y a beaucoup moins de gens sur le terrain qu’avant et nous faisons beaucoup plus de travail. C’est donc un vice des deux côtés, mais je pense que les gens continuent à avancer.

Avis Favaro

Les chirurgies orthopédiques, de la hanche et du genou ont également été très touchées. J’ai une amie qui a attendu pendant des mois et des mois une arthroplastie de la hanche, et je sais que son état s’est aggravé et que ça lui a joué un mauvais tour. C’est tellement débilitant. Je vous ai demandé d’analyser votre situation. Quels types d’histoires de retards voyez-vous et quels en sont les effets sur les patients?

Dr Kishore Mulpuri

Je pense qu’avant la pandémie, les soins musculo-squelettiques, en particulier l’accès à la chirurgie, ont été très affectés. Peu importe la province. Dans notre pays, environ 180 000 patients étaient en attente d’une intervention chirurgicale, ce qui représentait, je dirais, de 20 à 30 % de l’ensemble des patients en attente de soins orthopédiques. Et ça n’a fait qu’empirer.

Ce qui s’est passé, c’est que les provinces, en essayant de garder le niveau d’activités élevé, et aussi parce qu’elles voulaient libérer des lits d’hospitalisation, ont donné plus d’accès à tous ceux qui font des soins en consultation externe. Par exemple, le temps de salle d’opération en urologie a été donné aux gens qui font des soins en consultation externe.

Donc, les provinces disent, eh bien, nous avons rattrapé le retard. Ils parlent probablement du nombre de patients qui attendent. Si on en avait 180 000, on en a probablement 200 000. Dans la plupart des provinces, les patients en attente d’une chirurgie orthopédique représentaient 20 % de tous les patients en attente; cette valeur est maintenant passée à 30 %. Si vous êtes à 30 %, ils sont passés à 40 %. Notre spécialité est donc gravement affectée par ce dont vous parlez. Un grand nombre de ces interventions qui nécessitent un séjour d’une nuit ont été gravement touchées. Et, vous savez, les provinces parlent de rattrapage, mais je dirais que nous avons un long chemin à parcourir, parce que c’était mauvais au départ. C’est devenu pire maintenant.

Avis Favaro

Tout à fait. Sur le plan de l’incapacité des patients ou de ce qu’elles voient arriver aux personnes qui attendent des prothèses de la hanche et du genou?

Dr Kishore Mulpuri

En tant que chirurgiens orthopédistes, nous disons toujours que nous n’avons pas affaire à des cardiaques ou à des cancéreux. Mais si vous souffrez d’une douleur arthritique – j’ai moi-même une douleur à l’épaule et je pourrais vous dire que ce n’est pas génial de vivre avec une demi-heure à une heure de sommeil, au mieux – cela affecte vraiment tout le reste, de votre bien-être physique à votre bien-être psychologique à votre main-d’œuvre et à votre famille.

La prise en charge des douleurs musculo-squelettiques chroniques a d’importants effets en aval. Donc, si vous êtes un patient ou un dispensateur, vous savez que ces personnes souffrent. Et il est facile de soulager ces souffrances. Dans certains cas, comme celui du cancer, vous ne pourrez peut-être pas régler le problème. Mais régler des problèmes musculo-squelettiques est en fait quelque chose de très gratifiant. C’est pourquoi des personnes comme moi se lancent dans l’orthopédie : 90 % des patients repartent heureux d’avoir été soulagés de leur douleur et de leur souffrance. Et actuellement, nous ne sommes pas en mesure d’aider ces patients.

Avis Favaro

Vous avez soulevé un mot important et cela m’amène au Dr Green à propos des effets en aval. Connaissons-nous même les répercussions de la politique consistant à retarder les soins non urgents pendant les vagues de la pandémie?

Dr Michael Green

Non, et nous ne le saurons pas avant un certain temps. Des études ont essayé d’évaluer ces répercussions au moyen de modèles mathématiques, comme l’a mentionné le Dr Finley. Ce que nous constatons en cabinet, c’est que les soins ont été reportés, et que parfois d’autres problèmes se sont aggravés au point où les patients ne sont plus de bons candidats à la chirurgie parce qu’ils courent un risque plus élevé de complications liées à l’anesthésie. Nous observons aussi des effets psychologiques et sur le plan de l’incapacité.

En médecine familiale, une journée supplémentaire passée sur une liste d’attente signifie une journée supplémentaire où les patients viennent nous voir pour soulager leur douleur, pour obtenir de l’aide pour leur incapacité, pour obtenir des services sociaux pour les aider parce qu’ils sont coincés à la maison. Tous ces retards ont donc des effets en aval et ils sont assez importants.

Donc, en médecine familiale, nous avons un grand volume de visites. En Ontario, les médecins de famille voient habituellement 800 000 patients par semaine. Moi et mes collègues Rick Glazier et Tara Kiran avons réalisé une étude à Toronto sur l’énorme baisse des visites qui est survenue pendant la première vague. Le nombre de visites a remonté, mais cela a pris plusieurs mois. Donc, l’arriéré des visites en médecine familiale se chiffre en millions pour l’Ontario seulement.

De plus – j’ai entendu l’histoire de Laura –, je pourrais compatir au fait qu’on ne lui a pas proposé de dépistage du cancer, mais on nous a demandé de suspendre le dépistage du cancer, ce qui, j’en conviens, était une erreur.

Si je voulais envoyer ma patiente faire un test de Pap ou une analyse des selles pour un dépistage du cancer colorectal, le laboratoire me renvoyait les requêtes en me disant qu’il n’était pas en mesure de faire ces analyses pour le moment. Puis, six mois plus tard, lorsque la patiente devait passer son test, on lui disait : « Désolé, cette requête date de six mois. Vous devez en présenter une nouvelle. » En fin de compte, on nous impose du travail supplémentaire, ne serait-ce que pour rattraper le retard sur le plan administratif. Je pense que nous avons perdu beaucoup d’occasions de rattraper ce retard.

Avis Favaro

Pourquoi est-il important d’obtenir des données sur ce qui se passe exactement?

Dr Michael Green

Pendant la pandémie, bon nombre de soins ont été reportés. Nous étions déjà en train de nous pencher sur la question des personnes qui n’ont pas accès à un médecin de famille, ce qui était déjà un problème majeur dans tout le pays. Nous avions déjà fait une étude sur l’accès aux soins pour les patients sans médecin de famille. Lorsque la pandémie est arrivée, nous avons élargi la portée de notre étude, avec le soutien des Instituts de recherche en santé du Canada, pour examiner ce qui s’est passé pendant la pandémie chez les personnes qui n’avaient pas de médecin de famille par rapport à celles qui en avaient un. Nous essayons donc vraiment d’explorer les effets en aval de cette situation.

Cela prend du temps. Le dépistage du cancer, en tant que mesure de la qualité des soins, signifie que souvent les gens n’ont pas besoin d’un dépistage chaque année. Ils doivent attendre un an ou deux. Certaines personnes peuvent ne pas faire de test de dépistage à court terme et nous verrons les effets dans plusieurs années pour bon nombre d’entre elles. Ces retards vont se manifester sous forme de cancers dans cinq ou dix ans, tout comme ceux qui se manifestent à un stade avancé aujourd’hui.

Avis Favaro

Je trouve très déconcertant le fait que nous n’en parlons pas vraiment. Je crois que la COVID-19 est encore le principal sujet de discussion. Ai-je raison? Devons-nous nous passer à autre chose? Faut-il discuter davantage du report des soins?

Dr Christian Finley

C’est une question très intéressante et j’aimerais connaître le point de vue des autres panélistes à ce sujet. La COVID-19 semble avoir reculé, dans mon esprit du moins, et elle n’est plus ma priorité. Je dois dire que pendant les différentes vagues, j’y pensais fréquemment parce que je me rendais à l’unité de soins intensifs, parce que je voyais ces personnes tous les jours ou parce que mes rendez-vous étaient annulés parce que mes patients avaient la COVID-19.

La question de la COVID-19 a été remplacée par cette autre question : comment allons-nous faire pour accomplir cette quantité de travail? Et je pense que vous avez raison de dire que nous – les contribuables – ne comprenons pas nécessairement que nous ne pouvons pas rattraper le retard, et qu’il est presque ridicule d’accomplir 20 % de travail en plus dans un système qui n’a aucune capacité d’appoint.

Je pense que le Dr Mulpuri peut probablement parler du casse-tête administratif dont le Dr Green a parlé. Nous effectuons des tâches opérationnelles et administratives pour que les choses bougent et nous les externalisons quand nous le pouvons, mais s’il y a un bris ou un goulot d’étranglement, nous ne pouvons tout simplement pas aller de l’avant. Vous pensez avoir augmenté la capacité du bloc opératoire, mais vous vous rendez compte que vous n’avez pas assez de personnes pour prendre soin des patients après les interventions, ou les voir avant, ou quand ils rentrent chez eux, leur procurer les médicaments dont ils ont besoin. Ce système a des limites préhistoriques qui font que vous ne pouvez pas payer certains médicaments qui pourraient décharger toutes ces personnes, comme l’a dit Laura. Je vais laisser la parole à mes co-panélistes, mais vous avez raison, la COVID-19 est là pour de bon et il y aura des vagues récurrentes. Nous devons tourner la page et nous consacrer à la multitude de choses que nous devons encore faire.

Laura Greer

Nous ne pouvons pas simplement reprendre ce que nous faisions avant et penser que nous allons résoudre le problème auquel nous sommes confrontés. Nous avons besoin d’une véritable stratégie concertée pour traiter les arriérés. Pour y parvenir, nous devons fixer des objectifs de dépistage plus audacieux, par exemple pour le dépistage du cancer. Mais nous ne pouvons pas simplement reprendre là où nous en étions, car nous avions déjà des problèmes que nous n’étions pas nécessairement en mesure de résoudre.

Notre plus grande demande aux décideurs politiques est qu’ils admettent que nous avons ce problème, que nous devons faire quelque chose et envisager de faire les choses différemment, sinon nous ne nous en sortirons pas. Nous savons qu’il y a une pénurie de ressources humaines dans le domaine de la santé. Nous savons que les retards s’accumulent. Comment rattraper ce retard? Que faisons-nous? Nous n’avons pas vu, à mon avis, suffisamment d’idées audacieuses pour nous attaquer à ce problème.

Dr Kishore Mulpuri

Nous devons travailler ensemble. Il doit s’agir d’un dialogue, et non d’un monologue, et souvent, comme l’ont dit les Drs Finley et Green, nous ne faisons pas participer les personnes qui sont en première ligne. Nous ne mobilisons pas les gens qui sont sur le terrain. Souvent, vous vous adressez à des personnes que vous avez nommées pour envoyer les messages que vous voulez. Ce dont nous avons besoin, c’est que tout le monde participe et réfléchisse vraiment aux moyens de corriger la situation, et non de mettre un pansement sur une plaie qui saigne, et je pense que c’est ce que nous faisons.

Avis Favaro

Selon vous, que nous apprend la pandémie sur la valeur du système de soins de santé et sur ce qu’il faut pour qu’il soit résilient?

Dr Michael Green

Le Canada est un ensemble disparate, et même au sein d’une province comme l’Ontario, chaque collectivité et chaque région a ses propres forces et faiblesses. J’ai passé une bonne partie de la pandémie à occuper différents rôles de direction dans le domaine de la planification en cas de pandémie, et les endroits où la collectivité médicale, les services communautaires et sociaux, la santé publique et les municipalités étaient capables de travailler ensemble et avaient une très bonne relation de travail et des équipes solides s’en sortaient beaucoup mieux. Les régions où les gens ne travaillaient pas ensemble, particulièrement dans le secteur des soins primaires, les régions où il n’y avait pas d’offre solide de soins primaires s’en sortaient moins bien. Par contre, les régions où les équipes de soins primaires étaient liées à leur spécialité et à d’autres collègues, comme les équipes de santé de l’Ontario, s’en sortaient beaucoup mieux. D’autres régions ont eu du mal.

Ainsi, à Kingston, par exemple, nous avons eu l’un des taux de vaccination précoce contre la COVID-19 les plus élevés de la province parce que la santé publique, les soins primaires et les hôpitaux se réunissaient chaque semaine pour que tout le monde soit sur la même longueur d’onde.

Avis Favaro

En mettant de côté tous ces soins de santé, avons-nous fait une erreur? Existe-t-il un autre modèle qui nous aurait permis de maintenir les dépistages du cancer, les arthroplasties de la hanche, etc.? Des idées?

Dr Christian Finley

Lorsque vous parlez de modèles de soins, et je pense que le Dr Green en a parlé, notre capacité à faire confiance à notre voisin, nos collectivités de soins nous donnent de la robustesse lorsque les choses tournent mal, car vous avez raison, nous ne pouvons pas prédire ce qui va arriver, qu’il s’agisse de la variole du singe ou d’autre chose.

Je pense donc qu’il faut favoriser les bonnes cultures et les bonnes relations de travail, être agile, comme l’a dit le Dr Mulpuri, en ce qui concerne les nouveaux modèles de soins ou la résolution de problèmes de manière unique et réfléchie, et ne pas avoir peur d’être audacieux, s’assurer que nous sommes bons avec nos données. Parfois, au Canada, nous ne recueillons pas de données comparables parce que nous sommes désordonnés, alors le fait d’avoir des normes nationales d’évaluation comparative et d’avoir des gens qui font ce travail de collecte nous rendra meilleurs.

Je pense qu’il y a beaucoup de choses dont on peut être fier. Il y a des choses que nous avons remarquablement bien réussies, et je ne regrette pas ces décisions de mettre les choses en pause, car à l’époque, nous étions tous terrifiés. On se cachait dans nos maisons et les gens ont pris la meilleure décision qu’ils pouvaient. Je n’ai donc rien contre ces décisions. Nous allons y faire face maintenant. Mais vous avez raison de dire que nous devons tirer des enseignements de la pandémie et, à mesure que nous avançons et que nous gagnons en robustesse, comme l’a fait remarquer le Dr Green, nous devons nous parler pour ne pas être de nouveau touchés par des retards la prochaine fois.

Avis Favaro

J’aimerais que nous parlions un peu des personnes qui ont pu être affectées par le report des soins ici. Des efforts sont-ils en cours pour rattraper le retard? Et avons-nous la main-d’œuvre et la planification pour le faire?

Dr Kishore Mulpuri

Un grand nombre de nos travailleurs du secteur de la santé qui envisageaient de prendre leur retraite sont partis à la retraite, et certains ont interrompu leur retraite. Ils sont revenus pour aider le système.

Mais dans l’ensemble, il y a une perte nette d’effectif. Et nous parlons de faire fonctionner nos soins de santé à 98 % ou 95 % d’efficacité. Pour être honnête avec vous, quand j’entends cela, je n’applaudis pas parce que nous n’avons pas de casernes de pompiers, car elles sont utilisées 98 % du temps pour éteindre les incendies. Nous avons des casernes de pompiers et des pompiers. Quand un incendie survient, ils sont là pour apporter leur soutien.

Il en va de même pour les systèmes de soins de santé, qui ne peuvent être gérés avec une efficacité de 98 %. Je dirais que j’applaudirais un système qui fonctionne à 80 % et qui a 20 % de capacité pour faire face aux problèmes qui se présentent. Je dirais que c’est ce dont nous avons besoin en matière de soins de santé, nous avons besoin de ce tampon. Nous n’avons jamais prévu ce tampon dans notre planification des ressources humaines. Nous n’avons jamais prévu ce tampon dans nos soins urgents, semi-urgents ou non urgents. Nous devons donc créer un tampon dans notre système de soins de santé. Si nous commençons maintenant, nous avons probablement une chance de rattraper le retard dans 10 ans.

Dr Michael Green

Je suis tout à fait d’accord. L’une des autres études que nous venons de réaliser portait sur la retraite anticipée ou l’arrêt de travail des médecins de famille en Ontario pendant la pandémie. Avant la pandémie, de 1,5 à 1,8 % des médecins quittaient la profession par année. Et pendant l’année de la pandémie, le taux est passé à 3 %.

Cela peut sembler peu, mais, vous savez, il y a déjà 1,3 million de patients en Ontario qui n’ont pas de source habituelle de soins primaires, et il y a 1,7 million de patients dont le médecin de famille a 65 ans ou plus, et près de la moitié d’entre eux ont un médecin de famille qui a plus de 70 ans. Et comment allons-nous rattraper le retard dans les soins si ces personnes commencent à prendre leur retraite plus tôt que prévu?

Avis Favaro

Avez-vous des conseils à donner aux auditeurs et qui se disent « je n’ai pas eu d’examen, je n’ai pas fait ce test »?

Laura Greer

Faites valoir vos droits et c’est ce que j’ai la chance de faire dans le cadre de mon travail, mais le risque que des choses passent entre les mailles du filet est élevé parce que le système est surchargé.

Je me suis fait opérer il y a un mois et j’ai dû faire beaucoup de suivi moi-même, par exemple : passer un examen de tomodensitométrie la veille de mon intervention chirurgicale pose-t-il un problème? Cela pose-t-il problème pour l’anesthésie? C’est comme si on devait maîtriser la situation ou encore faire un suivi en se disant « je vais prendre rendez-vous pour un examen médical parce que je ne l’ai pas fait depuis des années ».

J’en arrive à la conclusion que je serais moins préoccupée par la COVID-19 – et je le dis en tant que personne immunovulnérable qui est plus à risque maintenant – que par le fait de retarder d’autres choses qui auraient pu survenir. Donc, prenez les choses en main et essayez d’obtenir les soins. Cela peut ne pas être aussi facile ou rapide qu’avant, mais si vous ne faites pas cela, si je n’avais pas demandé la mammographie, je serais probablement encore assise ici sans avoir reçu de diagnostic.

Avis Favaro

Les gens ont-ils encore peur d’aller chez leur médecin et dans les hôpitaux? Je sais qu’il y a eu un élargissement rapide de l’accès aux soins virtuels qui peuvent aider dans certains cas, mais constatez-vous encore des craintes?

Dr Christian Finley

J’aimerais renchérir sur les propos de Laura : allez-y. C’est un endroit incroyablement sûr qui vous permet d’accéder aux soins. Je suis tout à fait d’accord avec l’idée de faire le suivi de sa propre santé et de s’y intéresser en autodidacte pour être en mesure de savoir ce qui se passe et de revendiquer une mammographie s’il est temps d’en passer une ou d’accéder aux soins d’un chirurgien orthopédique si vous avez des douleurs persistantes.

Je pense que nous devons être actifs et autodidactes en matière de santé. De même, pour les personnes dont les parents sont âgés, les personnes qui ont des proches qui ne s’occupent peut-être pas d’eux-mêmes autant qu’ils le devraient, il nous incombe de leur tendre la main, de les aider et de nous présenter à ces rendez-vous.

Vous savez, quand j’opère quelqu’un, je reçois un petit bout de papier qui dit qui appeler après l’opération, et s’il n’y a personne sur ce bout de papier, ça me brise le cœur, c’est l’une des choses les plus tristes au monde pour moi. Je pense donc que nous devons tous tirer parti de ces relations. Vous savez, il arrive souvent qu’une personne de 75 ans me dise qu’elle ne veut pas déranger ses enfants. Je lui réponds que ses enfants vont vouloir savoir qu’elle a une tumeur au poumon et qu’elle devrait les contacter. Et à la réunion suivante, les enfants sont là.

Je dirais donc qu’il faut construire ces relations, les utiliser, en faire la promotion, en faire le suivi.

Laura Greer

Et j’aimerais que les patients aient accès aux données sur leur santé. Je suis une patiente du centre anticancéreux Princess Margaret, mais j’ai accès à tout sur le portail des patients. Je sais que l’accès aux dossiers médicaux personnels varie selon les provinces. Comme l’a dit le Dr Finley, je pense que le fait d’avoir accès à nos données nous donne les moyens d’agir en matière de santé et facilite la navigation dans un système complexe.

Avis Favaro

Et, Dr Green, vous réalisez une étude qui nous fournira des données qui nous indiqueront à quoi nous nous heurtons en ce qui concerne les retards dans les soins et les occasions manquées. Est-il important que nous obtenions des données sur ce qui se passe?

Dr Michael Green

Oui, les données sont importantes parce que même de différents points de vue, deux choses différentes peuvent être vraies, et je vais vous donner un excellent exemple en utilisant l’accès aux médecins de famille en Ontario.

Nous avons été très occupés pendant la pandémie. Le nombre total de visites, si l’on combine les soins virtuels et les soins en personne, est revenu aux valeurs d’avant la pandémie, il y a un an, concernant le nombre réel de visites pour l’ensemble de la province. Mais la réalité est aussi que ces visites ne sont pas uniformes dans toute la province. Ainsi, des patients avaient encore beaucoup de difficulté à voir leur propre médecin et d’autres avaient de la difficulté à accéder aux soins en personne, et nous gérions également les centres d’évaluation et bien d’autres choses. Mais nous voulions fournir ces soins et les patients nous disaient : « Vous êtes trop occupés, je ne veux pas venir, comment puis-je rattraper mon retard? Mon cas n’est pas prioritaire. » J’ai été étonné de voir à quel point les gens essayaient de protéger eux-mêmes le système, mais nous ne saurons pas quels sont nos besoins en matière de capacité si nous ne planifions pas.

Je suis vraiment inquiet pour l’avenir des ressources humaines en santé. Il y aura des départs à la retraite. On vient d’annoncer de nouvelles places dans les écoles de médecine et dans les programmes de résidence en médecine. Je ne pense pas que ce soit suffisant. Je ne pense pas qu’une planification a été faite. Je ne pense pas qu’il y ait eu suffisamment d’investissements dans les équipes pour combler les lacunes là où il n’y a pas assez de médecins de famille. Et je pense qu’il va falloir des données solides pour faire un bon travail de reconstruction.

Avis Favaro

D’accord. Le message que j’entends est « si vous êtes un patient et que vous avez besoin de soins, prenez les devants et appelez. » Il faut parler davantage des soins dont nous avons besoin?

Dr Kishore Mulpuri

Absolument. Revendiquez. Il n’y a personne de mieux placé que vous pour défendre votre cause. S’il y a quelque chose dont je pourrais parler, c’est des Canadiens. Je ne suis pas d’origine canadienne parce que j’ai émigré. On dit que ce sont les personnes les plus gentilles sur Terre. Et je plaisante souvent en disant que, dans la doctrine gandhiste, si vous frappez quelqu’un sur la joue gauche, il vous montrera la droite.

Nous disons s’il vous plaît, désolé, et merci pour tout, donc nous sommes des gens bien. Vous avez le droit de revendiquer des soins de santé et vous devez défendre vos intérêts. Évidemment, le système doit défendre vos intérêts. Nous devons tous défendre les intérêts de nos patients et de nos familles, mais n’oubliez jamais qu’il s’agit de votre santé. Défendez vos intérêts. Défendez les intérêts de vos proches, et soyez présent. Faites-vous entendre.

Dr Christian Finley

À l’instar des manifestants qui ont tapé sur des casseroles sur leur perron quand tout cela a commencé, nous devons aussi taper sur des casseroles devant les représentants de notre gouvernement, car ce dernier tient pour acquis que les professionnels de la santé travaillent dur, que les Dr Green de ce monde ont probablement fait 200 % de leur travail pendant des années. Ils ont besoin d’être soutenus, et pour cela, il faut défendre les intérêts au niveau local et à plus grande échelle.

Laura Greer

J’ajouterais que la pandémie nous a appris à quel point la santé de notre société et notre système de soins de santé sont essentiels au bon fonctionnement de la société. Nous devons donc mettre en place un système de soins de santé plus résistant. J’espère que des leçons ont été tirées, car nous avons vu comment un virus a mis le monde à genoux et à quel point nous avons dû nous adapter pour éviter que notre système de soins de santé ne soit submergé. Nous devons faire ce qu’il faut pour nous assurer que nous avons un système de soins de santé résilient qui sera là quand les gens en auront besoin.

Avis Favaro

Quelqu’un a-t-il un message d’espoir avant de conclure?

Laura Greer

Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui veulent faire partie de la solution. Nous devons juste être plus bruyants sur le fait que c’est ce que nous demandons.

Nous devons réunir différentes personnes autour de la table pour entendre les solutions. C’est l’une des premières choses que j’ai faites lorsque j’ai parlé avec mon oncologue au centre Princess Margaret : « Que changeriez-vous? Que feriez-vous dès maintenant pour vous aider à résoudre ces problèmes? » Je crois que nous devons nous demander ce qui doit être fait pour faire avancer les choses.

Avis Favaro

Posons cette question, Laura, en guise de conclusion. De quoi auriez-vous besoin, Dr Green, pour améliorer les choses?

Dr Michael Green

Eh bien, je pense qu’il existe des mesures partout au pays, et même en Ontario, mais elles sont très inégales. En médecine familiale et en soins primaires en général, nous avons besoin d’équipes. Nous devons disposer de services de soutien en matière de santé mentale pour travailler avec nos patients. Nous avons besoin d’intervenants-pivots pour aider nos patients à accéder aux ressources collectives afin qu’ils puissent obtenir des soins comme des chirurgies d’un jour. Nous avons besoin d’une meilleure collaboration entre les équipes de services à domicile et de soins communautaires et les professionnels paramédicaux comme les infirmières praticiennes, ce qui me permettrait de travailler à plein régime et nous pourrions prendre en charge les patients qui n’ont pas accès aux soins. Nous en avons vraiment besoin et pour cela, il faut que les médecins ne soient pas tous rémunérés à l’acte en médecine familiale dans tout le pays.

Ils doivent avoir accès à des moyens qui leur permettront de prodiguer des soins à leurs patients autrement que par des visites de 10 ou 15 minutes.

Avis Favaro

Tout à fait. Dr Mulpuri, votre liste de souhaits?

Dr Kishore Mulpuri

Nous devons nous concentrer beaucoup plus sur les soins préventifs alors que nous devons faire face à des problèmes urgents. Nous devons installer des vannes pour ne pas être emportés. Vous savez, lorsqu’une inondation se produit, on ne peut pas mettre en place des barrages d’urgence. On doit les construire tout de suite. Donc, il faut concentrer les efforts sur les équipes et les soins préventifs, comme l’a dit le Dr Green.

Avis Favaro

Tout à fait. Dr Finley, en ce qui concerne le rattrapage des retards dus à la COVID-19, quel serait votre souhait?

Dr Christian Finley

Personne ne veut le dire, mais il va falloir injecter beaucoup plus d’argent dans le système pour rattraper les retards. Nous voulons tous rattraper ces retards, mais nous ne mettons pas la main à la poche pour améliorer la situation.

Avis Favaro

Oui. Et, Laura, le mot de la fin est à vous.

Laura Greer

Nous avons besoin d’une réflexion audacieuse, de personnes à la table et d’un engagement pour avoir un plan d’action. C’est ce que je dirais, mais ne nous laissons pas prendre dans la politique. Nous devons admettre qu’il s’agit d’un problème réel et que c’est quelque chose de fondamental pour notre société. Nous devons consacrer les ressources, le temps et la réflexion nécessaires pour parvenir à rattraper les retards.

Avis Favaro

Oui. Eh bien, je vous remercie tous encore une fois. Je pense qu’il s’agit d’une question très importante, et nous allons nous pencher sur les effets des soins qui ont été reportés. Nous prendrons connaissance de l’étude du Dr Green lorsqu’elle sera terminée.

Et à toutes les personnes qui attendent des soins ou qui ont été confrontées à des retards, je veux simplement vous dire que nous pensons à vous.

Nous vous remercions d’avoir écouté notre émission et nous espérons qu’elle suscitera des discussions importantes sur l’urgence de s’occuper des patients canadiens qui ne sont pas atteints de la COVID-19 et qui attendent des soins.

Il est important de noter que malgré les défis, il y a des signes d’espoir. Ottawa a récemment annoncé qu’il offrirait un coup de pouce unique de 2 milliards de dollars aux provinces et aux territoires pour les aider à réduire les délais de chirurgie. Mais comme l’ont dit nos invités, des solutions plus créatives peuvent également être nécessaires.

Revenez la prochaine fois, car nous aborderons d’autres sujets liés à la santé qui vous intéressent. Cet épisode a été produit par Jonathan Kuehlein, avec l’aide d’Aila Goyette.

Si vous souhaitez en savoir plus sur l’ICIS et les temps d’attente, visitez notre site Web, icis.ca, i-c-i-s point c-a, pour Institut canadien d’information sur la santé. Et abonnez-vous au Balado d’information sur la santé au Canada et écoutez-le sur la plateforme de votre choix.

Ici Avis Favaro. À la prochaine!

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