Les préjudices dans les hôpitaux canadiens — Kate Parson, Linda Silas, Kathleen Finlay et Annette Elliott Rose

40 min | Publié le 9 novembre 2023

L’ICIS a constaté une augmentation des préjudices à l’hôpital (définis comme des problèmes d’ordre médical apparaissant après l’admission). En effet, d’après une récente analyse, 1 patient sur 17 a subi un préjudice involontaire durant son séjour. Par ailleurs, le personnel infirmier et d’autres professionnels de la santé affectés aux soins des patients au Canada peinent à garder la tête hors de l’eau : les congés de maladie et les heures supplémentaires atteignent des sommets. Dans cet épisode du BISC, nous accueillons Kate Parson, chef de section des Ressources humaines de la santé à l’ICIS, Linda Silas, présidente de la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et infirmiers, Kathleen Finlay, fondatrice et PDG du Compassion Innovation Lab et fondatrice du Center for Patient Protection, et Annette Elliott Rose, vice-présidente de la stratégie sur les soins cliniques et infirmière en chef au Centre de santé IWK, pour discuter des constats de l’ICIS ainsi que des conséquences sur les patients et leurs proches.

Cet épisode est disponible en anglais seulement.

 

Avis Favaro

Lorsque vous allez à l’hôpital pour y recevoir des soins, vous vous attendez à ce que votre sécurité soit assurée. Mais de nouvelles données de l’Institut canadien d’information sur la santé révèlent que, depuis la pandémie, le taux de préjudices involontaires subis par les patients a augmenté.

Kate Parson

Pour la troisième année consécutive, nous avons constaté une augmentation du taux global de préjudices à l’hôpital.

Avis Favaro

Ce taux inclut les nouvelles infections, les plaies de lit, les erreurs médicamenteuses. Les données montrent que le personnel de la santé est en difficulté; les infirmières ayant effectué quelque 14 millions d’heures supplémentaires sont épuisées et craignent de faire des erreurs.

Linda Silas

Pourquoi un pilote a-t-il un nombre maximal d’heures par semaine, par mois, pour assurer la sécurité des passagers? Ou un chauffeur de camion? Ou un chauffeur d’autobus? Mais en soins infirmiers, il n’y a pas de limite. Nous avons nous aussi de précieux passagers : nos patients.

Avis Favaro

Les patients et leurs familles en subissent les conséquences émotionnelles et physiques, comme Kathleen Finlay, qui affirme que les erreurs commises à l’hôpital ont abrégé la vie de sa mère.

Kathleen Finlay

Je ne pense pas que c’est une question de blâme. Je pense que c’est une question de protection des patients,

Avis Favaro

Bienvenue au Balado d’information sur la santé au Canada. Nous l’appelons CHIP, en anglais. Je suis Avis Favaro, et j’anime cette discussion.

Remarque : Les opinions exprimées ici ne reflètent pas nécessairement celles de l’ICIS, mais il s’agit d’une discussion libre et ouverte. Cet épisode porte sur la sécurité des patients et sur ce que les données peuvent nous apprendre pour rendre les hôpitaux aussi sécuritaires que possible pour les patients.

Notre première invitée aujourd’hui est Kate Parson. Bienvenue, Kate.

Kate Parson

Merci de m’avoir invitée, Avis.

Avis Favaro

C’est vous qui êtes à l’origine des données dont nous allons parler, car vous êtes responsable du programme au sein de l’équipe des ressources humaines de la santé de l’ICIS.

Kate Parson

Oui. Moi-même et une équipe d’autres personnes ici présentes sommes à l’origine de ce rapport.

Avis Favaro

Ainsi, lorsque nous parlons des préjudices à l’hôpital, je pense que les gens grimacent parce qu’ils ne veulent pas en entendre parler.

Kate Parson

Oui. Ce n’est pas un sujet agréable. Mais pour gérer et, espérons-le, prévenir ces préjudices, nous devons être capables de les mesurer.

Avis Favaro

On ne peut pas réparer ce qu’on ne voit pas.

Kate Parson

Exactement.

Avis Favaro

Quand avez-vous commencé à faire le suivi des préjudices? En quelle année l’ICIS a-t-il commencé à mesurer les préjudices à l’hôpital?

Kate Parson

L’ICIS fait le suivi des préjudices depuis 2014.

Avis Favaro

Et comment y parvenez-vous? Les hôpitaux doivent-ils les déclarer?

Kate Parson

Les diagnostics spécifiques sont consignés dans les dossiers des patients par les dispensateurs qui leur fournissent des soins. Les préjudices sont consignés comme des éléments qu’un patient n’avait pas lorsqu’il est arrivé à l’hôpital et qui se sont développés par la suite. Ce sont des diagnostics spécifiques comme les plaies de lit, les infections des voies urinaires qui sont pris en compte dans cette mesure du préjudice. Et oui, les hôpitaux sont tenus de les déclarer.

Avis Favaro

Pourquoi ne pas jeter un coup d’œil sur les principales conclusions de ce rapport?

Kate Parson

Il est donc frappant de constater que le nombre de préjudices à l’hôpital a augmenté pour une troisième année consécutive alors qu’il est demeuré stable pendant plusieurs années. Avant 2020, le taux était stable depuis 2014. Et pour une troisième année de suite, nous avons constaté une augmentation de l’ensemble des préjudices à l’hôpital.

Avis Favaro

Donc, cette augmentation serait liée à la pandémie.

Kate Parson

Oui. Lorsque nous examinons les catégories spécifiques de préjudices généralement associés au personnel, nous constatons que pendant la pandémie, par rapport à la période prépandémique, les infections des voies urinaires et les pneumonies ont augmenté d’environ 20 %; les pneumonies par aspiration, qui sont un type spécifique de pneumonie causée par l’inhalation d’eau ou de nourriture, ont augmenté d’environ 25 %; et les ulcères de pression ont augmenté de plus de 50 %. Ces valeurs sont en partie attribuables à une meilleure saisie des données l’année dernière pour les années 2022 et 2023.

Avis Favaro

Il s’agit là d’augmentations importantes. Avez-vous été surprise?

Kate Parson

Si l’on considère les données brutes, les valeurs restent très faibles, de l’ordre de moins de un sur cent. Mais oui. L’augmentation mérite d’être soulignée.

Avis Favaro

L’un des points communs des préjudices que vous avez mesurés est donc le lien avec la dotation en personnel. Si les patients sont tournés régulièrement, les plaies de lit sont moins fréquentes. S’ils sont nourris lentement en position assise, ils risquent moins de développer une pneumonie par inhalation.

Dans ce rapport, vous avez donc fait quelque chose de différent. Vous avez examiné les préjudices ainsi que les niveaux de dotation en personnel. Vous avez compté les congés de maladie, les heures supplémentaires et le recours à des infirmières indépendantes ou d’agences. Qu’avez-vous trouvé, Kate?

Kate Parson

Durant la pandémie au Canada, il y a eu des problèmes de dotation en personnel dans les hôpitaux. Nous avons fait le suivi de divers éléments comme les congés de maladie, les heures supplémentaires, le recours à du personnel d’agences dans les unités de soins infirmiers des hôpitaux. Nous avons vu ces types d’indicateurs de dotation en personnel augmenter de façon spectaculaire.

Par exemple, dans les unités de soins pour patients hospitalisés où travaillent des infirmières et d’autres dispensateurs de soins, nous avons constaté une augmentation de 17 % des congés de maladie sur un an et une augmentation de 50 % des heures supplémentaires travaillées.

Avis Favaro

Les augmentations étaient-elles significatives et notables?

Kate Parson

Oui. Les augmentations des 5 dernières années étaient significatives, en particulier la dernière année. Par exemple, le recours au personnel des agences, c’est-à-dire l’utilisation d’heures de services achetés à des employés ne travaillant pas pour l’hôpital, dont nous avons beaucoup entendu parler récemment, a augmenté de 80 %.

Avis Favaro

80. 8-0.

Kate Parson

8-0. Si, dans l’ensemble, les heures de services achetés représentent toujours un faible pourcentage du nombre total d’heures travaillées, l’augmentation de 80 % est évidemment notable.

Avis Favaro

Y a-t-il eu, au cours des années précédentes, soit depuis que vous avez commencé à consigner des données en 2014, des niveaux de dotation en personnel comparables à ceux que vous avez constatés dans la dernière étude?

Kate Parson

En ce qui concerne les niveaux de dotation en personnel, nous les mesurons de façon séparée ces dernières années par rapport aux préjudices à l’hôpital. Mais non. C’est le niveau le plus élevé que nous ayons jamais vu.

Ce que je trouve le plus remarquable, c’est que lorsque l’on examine les données de dotation en personnel en matière d’équivalents temps plein — une unité de mesure qui représente le temps de travail accompli par une seule personne à temps plein —, et que l’on tient compte des congés de maladie, on constate qu’il manque environ 6 000 employés dans l’ensemble du pays. Et si l’on additionne les heures supplémentaires, cela représente plus de 7 000 travailleurs.

Avis Favaro

Qu’est-ce que cela signifie? Pouvez-vous expliquer cela?

Kate Parson

En ce qui concerne les heures supplémentaires en particulier, si un travailleur occupe un emploi standard à temps plein, les heures supplémentaires qu’il effectue — donc les personnes qui travaillent déjà, en supposant qu’elles occupent un emploi à temps plein — représentent l’équivalent de 7 000 emplois supplémentaires dans tout le pays pour l’année 2020-2021. Mais cela revient à dire que les gens travaillent de façon excessive. Ils travaillent comme 2 personnes, voire 3 dans certains cas.

Avis Favaro

D’accord. Et comment interprète-t-on cela?

Kate Parson

Malheureusement, nous n’avons pas assez de personnel pour répondre aux besoins actuels du système et nous dépendons fortement des heures supplémentaires et du personnel des agences pour combler les lacunes. Nous cherchons vraiment à recouper différentes données qui, nous le savons, intéressent le public et les décideurs, en ce qui a trait à la compréhension du bien-être du personnel et la manière dont il est étroitement lié à la sécurité et aux soins des patients.

Avis Favaro

À votre avis, quelle importance ces statistiques auront-elles aux yeux des décideurs dans les hôpitaux?

Kate Parson

Je pense qu’il sera très important qu’un hôpital ait accès à ses propres statistiques et, en particulier, aux tendances d’une année à l’autre, car chaque hôpital est différent. Il est important de comprendre l’évolution de chaque hôpital d’une année à l’autre pour mieux gérer les préjudices.

Avis Favaro

Les gens qui entendent ces propos peuvent se sentir préoccupés, car ils vont à l’hôpital pour se faire soigner. Ils y vont pour recevoir des soins et s’attendent à en sortir en aussi bonne santé ou en meilleure santé.

Comment le public doit-il interpréter ces données?

Kate Parson

Je pense que tout le monde doit être au courant de ces données et les comprendre, et savoir, en fin de compte, que des efforts sont en cours dans tout le pays pour fournir aux patients les meilleurs soins possibles. Et cela inclut le suivi des préjudices afin de les prévenir.

Avis Favaro

Cela indique-t-il que la hausse du nombre de préjudices à l’hôpital pourrait être réduite en augmentant les niveaux de dotation en personnel?

Kate Parson

Nous ne pouvons rien affirmer avec certitude. Mais nous savons, d’après ce que nous entendons, que lorsque les niveaux de dotation sont suffisants, le personnel se sent soutenu, il ne se sent pas épuisé, il est manifestement capable de faire son travail au mieux de ses capacités, il a des personnes sur lesquelles il peut compter, des membres de l’équipe à qui il peut poser des questions, etc.

Avis Favaro

Il me semble que c’est là un message très important de ce rapport de l’ICIS.

Kate Parson

Oui. Nous espérons qu’il s’agit là d’une amorce de conversation et d’une sorte de premier regard sur ce sujet difficile et troublant. Cependant, afin d’apporter des améliorations, de soutenir le personnel et, en fin de compte, d’améliorer les soins aux patients, nous pensons qu’il convient d’explorer cette question et d’assurer un suivi permanent.

Avis Favaro

D’accord. Kate, merci beaucoup d’avoir participé au balado.

Kate Parson

Merci de m’avoir invitée, Avis.

Avis Favaro

Notre prochaine invitée peut parler des nouvelles données et de ce qu’elles signifient concrètement. Nous accueillons l’infirmière autorisée Annette Elliott-Rose de Halifax. Bonjour, Annette.

Annette Elliott-Rose

Bonjour, Avis. Comment allez-vous?

Avis Favaro

Bien. Vous êtes également infirmière en chef et vice-présidente des soins cliniques au Centre de santé IWK, en Nouvelle-Écosse. C’est bien ça?

Annette Elliott-Rose

C’est exact. Oui. Je travaille actuellement sur la stratégie avec l’IWK et je travaille également avec la province et les partenaires du système sur le personnel de santé.

Avis Favaro

Qu’est-ce que cela signifie pour vous en matière de sécurité hospitalière, de préjudices et de personnel?

Annette Elliott-Rose

Je travaille directement avec les équipes sur le terrain et avec l’équipe de direction pour veiller à ce que nous ayons la meilleure approche de la qualité et de la sécurité à l’IWK. Si je peux prendre l’exemple de l’IWK, nous appartenons à un réseau collaboratif international appelé « Solutions pour la sécurité des patients ».

Avis Favaro

Oui. C’est le sujet du balado d’aujourd’hui. Vous avez donc entendu parler des dernières données de l’ICIS concernant les préjudices à l’hôpital. Commençons par cet élément.

Lorsque vous avez entendu parler du taux de préjudices et que vous avez appris qu’il était resté plus élevé qu’avant la pandémie et qu’il montrait même des signes d’augmentation, quelle a été votre première réaction?

Annette Elliott-Rose

Je pense que toute tendance liée à un changement en matière de sécurité doit nous préoccuper, qu’il y ait ou non une pandémie. Je pense que la pandémie a complexifié les choses. Il y avait des problèmes de dotation en personnel, des unités au maximum de leur capacité, des lits occupés, des personnes très malades ayant la COVID-19 et d’autres problèmes. Le système a-t-il donc été considérablement sollicité? Absolument. Je ne sais pas si nous pouvons dire que les hôpitaux sont moins sécuritaires parce que les cliniciens se sont mobilisés et ont fait un travail fabuleux pour répondre à une situation très difficile.

Avis Favaro

Depuis combien de temps êtes-vous infirmière? Et qu’est-ce qui vous a attiré dans la pratique?

Annette Elliott-Rose

Je suis infirmière depuis 23 ans. J’ai commencé à m’occuper des gens dès mon adolescence en tant que préposée aux soins personnels pendant mes études secondaires, puis j’ai décidé de devenir infirmière. Il s’agit de prendre soin des gens, très honnêtement, d’établir des relations qui sont significatives et de changer la donne.

Avis Favaro

Dans votre parcours, avez-vous déjà vu des exemples de préjudices pour lesquels vous vous êtes dit : « Nous avions l’intention de faire cela, mais quelque chose s’est produit »?

Annette Elliott-Rose

Oui. Bien sûr, il y a eu des cas où l’expérience des patients ne s’est pas déroulée comme nous l’avions prévu. Cela peut être dû à la complexité d’une situation particulière et à des événements cliniques imprévus. Il peut s’être passé quelque chose durant ces événements où il y a eu des préjudices évitables.

Avis Favaro

Qu’avez-vous appris de ces expériences?

Annette Elliott-Rose

Je pense que la chose la plus importante est probablement l’incidence sur le patient et sa famille; il faut garder cela à l’esprit. Ce qui nous aide à garder les pieds sur terre lorsqu’on pense aux soins infirmiers et aux soins de santé, ce sont les personnes qui font partie de ces soins, l’incidence sur les équipes cliniques, parce qu’elles le ressentent profondément; nous le ressentons profondément. Ensuite, le plus important est de tirer des enseignements de cet événement.

Avis Favaro

Discutons un peu des problèmes de dotation en personnel qui ont été dénoncés par les infirmières. Je sais que le Canada connaît une grave pénurie d’infirmières. Avez-vous eu du mal, en Nouvelle-Écosse et à votre centre, à garder vos infirmières?

Annette Elliott-Rose

Absolument. Nous sommes donc confrontés à une crise mondiale touchant les ressources humaines de la santé. Les soins infirmiers forment le plus grand groupe au sein de la main-d’œuvre des soins directs aux patients et aux familles. Et c’est le groupe qui compte le plus grand nombre de postes vacants.

Avis Favaro

Combien d’infirmières vous manque-t-il en ce moment?

Annette Elliott-Rose

Cela dépend de la façon dont on évalue de nombre. Il en manque entre 1 400 et 1 600.

Avis Favaro

Il vous manque de 1 400 à 1 600 infirmières? C’est beaucoup. Comment faites-vous pour continuer à prodiguer tous les soins aux patients dans ce contexte?

Annette Elliott-Rose

Nous faisons preuve d’innovation. Il y a beaucoup d’innovation en Nouvelle-Écosse. Bien sûr, il y a toujours un certain nombre d’endroits où on manque de personnel et il y a encore des infirmières qui font des heures supplémentaires; nous avons aussi dû, dans certains cas, faire appel à des infirmières itinérantes, des infirmières qui viennent d’autres endroits pour travailler. Nous avons également élargi un certain nombre de nos programmes de formation en soins infirmiers afin de recruter davantage d’infirmières. Des programmes de reconnaissance et de rétention ont été mis en place.

Avis Favaro

Est-ce que cela fonctionne?

Annette Elliott-Rose

Je dirais que nous allons dans la bonne direction.

Avis Favaro

Quel est donc le message à retenir de ces nouvelles données?

Annette Elliott-Rose

Si l’on va au-delà des données et que l’on réfléchit au contexte dans lequel elles s’inscrivent, il y a beaucoup de nuances à apporter. N’est-ce pas? Ce n’est pas parce que le taux a changé de quelques points de pourcentage ou d’une partie d’un pourcentage que notre système est défaillant pour autant. Je pense que c’est quelque chose que nous gardons à l’œil, dont nous tirons des leçons et que nous continuons à améliorer. Nous continuons à ajouter des ressources, à guérir de la pandémie et à poursuivre nos activités. N’est-ce pas?

Avis Favaro

J’ai une dernière question. Que peuvent faire les patients et leurs familles pour prévenir les préjudices à l’hôpital et soutenir les infirmières qui travaillent dur? Y a-t-il quelque chose que les gens peuvent faire eux-mêmes s’ils vont à l’hôpital?

Annette Elliott-Rose

Je dirais qu’il faut venir informé. Posez beaucoup de questions. Si vous avez des inquiétudes, parlez-en immédiatement à l’infirmière, à votre infirmière, à un médecin ou à d’autres personnes. Donnez-nous beaucoup de rétroaction, car les commentaires constructifs nous permettent d’agir différemment.

Avis Favaro

Ce sont là de bons points. Et je suis heureuse que vos taux de rétention soient stables.

Je vous remercie de vous être jointe à nous. Je vous en suis très reconnaissante.

Annette Elliott-Rose

Merci beaucoup. Merci de m’avoir reçue.

Avis Favaro

Le taux de préjudices non intentionnels à l’hôpital a augmenté pour une troisième année consécutive. Le rapport indique aussi que le nombre d’heures supplémentaires et de congés de maladie chez le personnel infirmier a atteint un sommet. Les 2 sont-ils liés?

Nous en parlons avec Linda Silas, infirmière autorisée et présidente de la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et infirmiers (FSCII), qui représente 250 000 infirmières et infirmiers dans la majeure partie du pays. Bienvenue, Linda.

Linda Silas

Bonjour. Je suis ravie d’être ici pour parler des infirmières exerçantes.

Avis Favaro

Linda, vous avez vu les dernières données de l’ICIS sur les préjudices à l’hôpital et la dotation en personnel. Qu’en pensez-vous?

Linda Silas

Oui. Nous essayons de collaborer étroitement avec les entreprises de recherche, les chercheurs et les fournisseurs de données comme l’ICIS pour nous assurer que ce qu’ils publient correspond à la réalité. Parce que nous pouvons parfois avoir la tête dans les nuages. Vous êtes là-haut et vous ne représentez pas la réalité. Lorsque j’ai lu le dernier rapport, je me suis dit qu’il établissait un lien entre la sécurité des patients et la dotation en personnel, la dotation en personnel infirmier.

Avis Favaro

Penchons-nous maintenant sur les données. Un séjour à l’hôpital sur 17 était lié à un préjudice. Quelle a été votre réaction?

Linda Silas

Je ne veux pas être cette personne sur 17. Mais la réalité, c’est que cela arrive. Des erreurs ou des omissions se produisent toujours. Mais lorsque vous manquez de personnel, cela arrive comme pour n’importe quel autre travail.

Avis Favaro

Le rapport fait également état d’une augmentation du nombre d’infections nosocomiales, d’infections des voies urinaires, d’erreurs de médicaments et de plaies de lit. Le nombre de problèmes a augmenté pendant la pandémie et n’a pas diminué par la suite.

Linda Silas

C’est un peu effrayant. Si je regarde les plaies de lit et les médicaments, c’est presque 50 %. C’est un cas sur 2, une situation sur 2 où il peut y avoir une erreur de médicament.

Je me souviens des bases des soins infirmiers. Vous regardez l’ordonnance. A-t-elle été prescrite par le médecin? Vous regardez le dosage. S’agit-il du dosage approprié pour ce patient? Le médecin a peut-être commis une erreur. Avez-vous le bon patient? Lorsque l’on arrive au chevet du patient, il faut vérifier. Et c’est là que les erreurs se produisent, si vous êtes interrompu dans ce flux.

En Angleterre, il y a quelques années, juste avant la pandémie, on a beaucoup parlé des erreurs de médicaments. On a donc décidé de faire porter un gilet portant la mention « Ne pas déranger » à l’infirmière chargée d’administrer les médicaments parce qu’il y avait trop d’erreurs de médicaments. Aujourd’hui, nous manquons de personnel, les infirmières sont bombardées de demandes diverses pendant qu’elles essaient d’administrer le bon médicament, ce qui entraîne des complications, prolonge la durée du séjour et, bien sûr, nuit aux soins aux patients.

Avis Favaro

Et des plaies de lit.

Linda Silas

Et c’est à ce moment qu’un patient sonne la cloche et que vous n’avez pas le temps d’aller le voir. À mon époque, si je puis dire, nous devions mobiliser les patients toutes les 2 heures. Nous devions principalement examiner le dos et le côté du patient pour s’assurer qu’il n’y avait pas de marque ni de rougeur. Puis, si les rougeurs deviennent des taches blanches, le problème s’aggrave. Lorsque vous n’avez pas le temps de mobiliser un patient, les plaies de lit apparaissent. Il s’agit d’infections qui nécessitent une infirmière spécialisée, un médecin spécialisé, un traitement spécialisé, car ces lésions peuvent entraîner la mort.

Si le nombre de plaies de lit augmente, il faut sonner l’alarme. Pourquoi? Parce qu’il n’y a pas assez de personnel pour mobiliser les patients. Si vous avez déjà subi une intervention chirurgicale, vous savez que la première chose qu’on vous demandera est de vous lever. On vous demandera de marcher. Pourquoi? On veut activer la circulation, et aussi celle dans la peau pour s’assurer que le sang circule bien.

Avis Favaro

Un autre préjudice a été mesuré, la pneumonie, qui peut être causée par un virus. Mais on peut aussi développer une pneumonie en aspirant des liquides ou de la nourriture, ce qui, je crois, peut être évité grâce à des soins infirmiers adéquats. C’est bien ça?

Linda Silas

Il s’agit littéralement d’un patient qui sort d’une intervention chirurgicale ou qui présente certains effets secondaires liés à des médicaments; parfois, c’est l’âge qui est en cause. Ils ne peuvent pas avaler correctement. Si le liquide ne descend pas correctement, il descend dans le mauvais tube. Le liquide entre alors dans les poumons, ce qui peut provoquer une pneumonie, une toux, un étouffement, etc.

Mais il s’agit, encore une fois, d’observer attentivement le patient, de l’examiner, de lui parler et faire des essais. Est-il suffisamment réveillé pour prendre un médicament, boire un liquide? Faut-il faire autre chose? Et vous voyez ces chiffres augmenter? Encore une fois, demandez-vous pourquoi.

Avis Favaro

Le fait que ces chiffres augmentent doit-il inquiéter les Canadiens? Certains diront qu’il ne s’agit que d’une augmentation d’un demi-point de pourcentage.

Linda Silas

Lorsque j’ai lu les données sur les préjudices, j’ai constaté qu’elles confirmaient ce que disent nos infirmières soignantes et nos infirmières de première ligne. Certains diront que nos histoires sont anecdotiques, et c’est vrai. Mais il y a des milliers et des milliers d’infirmières qui disent : « J’ai peur de ne pas être capable de faire mon travail parce qu’il n’y a pas assez de personnel, je manque de temps durant mon quart. » Ces données confirment donc ce que nous disons.

Je ne suis pas seulement préoccupée par les données de l’ICIS, mais aussi par toutes les données non déclarées. En effet, l’ICIS ne peut rendre compte que de ce que l’hôpital inscrit dans ses livres et déclare à l’ICIS. Mais il y a toute une série de choses qui ne sont pas signalées. Mais pour le patient, cela signifie que nous n’avons pas assez de personnel pour garantir que ces chiffres atteignent un niveau sécuritaire.

Avis Favaro

On a donc joint les données relatives au personnel, ce qui est une première. Cela signifie-t-il quelque chose pour vous?

Linda Silas

Cela signifie que le milieu de la recherche et les analystes de données se rendent compte que les choses changent considérablement. Pendant des années, la FCSII a publié des données sur les heures supplémentaires et l’absentéisme. Le dernier rapport date de 2017. Nous ne cessons de dire aux gouvernements que les heures supplémentaires, les congés de maladie et l’absentéisme augmentent. Qu’a-t-on fait à ce sujet? Rien n’a été fait.

Aujourd’hui, des organismes réputés comme l’ICIS affirment que les heures supplémentaires, les congés de maladie et les effets indésirables sur les patients augmentent. Nous devrons donc analyser les 2 types de données et trouver pourquoi les effets indésirables, les préjudices et les risques augmentent. Pour nous, c’est clair. Nous n’avons pas assez de personnel des soins infirmiers. Il n’a pas assez de temps pour faire son travail correctement.

Avis Favaro

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris? Pour moi, il s’agit des 14 millions d’heures supplémentaires. J’ai une nièce qui est infirmière. Et quand elle a entendu cela, elle a grimacé. Elle a dit : « Je sais. »

Linda Silas

Oui.

Avis Favaro

Ils lui téléphonent sans cesse pour qu’elle fasse des remplacements, mais elle ne peut pas. Elle a une famille.

Linda Silas

Oui.

Avis Favaro

Mais on pouvait voir sa détresse, sachant qu’on avait besoin d’elle.

Linda Silas

Les heures supplémentaires et les congés de maladie ne m’ont pas étonnée, car nous entendons dire tous les jours qu’une infirmière a été appelée. La plus grande surprise est le nombre d’infirmières dans les agences. Il s’agit d’infirmières d’agences privées. Et le rapport mentionne seulement une augmentation de 1 %. Ce chiffre m’a étonnée parce que c’est beaucoup plus que cela. Nos données indiquent que le nombre d’infirmières à temps plein est en baisse. Elles restent dans le secteur public. Mais la plupart de leurs heures sont consacrées aux agences privées.

Avis Favaro

En quoi cette augmentation du nombre d’infirmières d’agences privées est-elle néfaste? Il me semble que pendant la pandémie, on a eu besoin de renforts parce que les gens étaient épuisés.

Linda Silas

On a besoin de renforts en permanence. Dans les Territoires du Nord-Ouest ou n’importe quelle région éloignée, on a besoin d’agences et d’infirmières sur place. Dans les grandes villes, on faisait appel aux agences pour combler les besoins. Mais c’était plutôt rare. À présent, c’est devenu normal. Sur les 10 infirmières prévues pour un quart; 5 d’entre elles viennent d’agences. Non seulement cela brisera la fibre de la solidarité que nous avons entre infirmières pour nous aider les unes les autres, mais cela brisera aussi la banque des hôpitaux et des soins de longue durée dans notre système public parce qu’on ne peut pas se permettre de payer le double du salaire. Cela me dit que les hôpitaux se sont réveillés et ont regardé la réalité en face.

Nous envisageons d’interdire les infirmières d’agences partout au pays. Certains gouvernements sont réticents parce qu’ils voient tous ces postes vacants. Pourquoi les gouvernements ne collaborent-ils pas avec les syndicats d’infirmières pour déterminer ce qu’il faut faire pour garder des employés motivés? Ce qu’il faut, c’est garantir qu’après mon quart de 12 heures ou de 8 heures, je puisse rentrer chez moi. À l’heure actuelle, rien ne garantit à une employée permanente qu’elle pourra rentrer chez elle à la fin de son quart. Pourquoi, pour des raisons de sécurité, impose-t-on un nombre maximal d’heures par semaine, par mois, à un pilote? Ou un chauffeur de camion? Ou un chauffeur d’autobus? Mais en soins infirmiers, il n’y a pas de limite. Nous avons nous aussi de précieux passagers : nos patients.

Avis Favaro

Croyez-vous que l’étude ou les données vous aideront?

Linda Silas

Oui. Toutes les données recueillies par des organismes crédibles nous aident. Nous utiliserons ces données pour aider nos équipes de recherche à élaborer de meilleures politiques sur les heures de travail et la charge de travail, comme les ratios infirmière/patients.

Bonne nouvelle : la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse envisagent des modèles de dotation en personnel sécuritaires. Et cela vient du gouvernement, qui dit que nous devons garantir aux patients de notre province que nous fournirons des niveaux de dotation en personnel infirmier sécuritaires pour qu’ils reçoivent des soins de qualité.

Avis Favaro

Pouvez-vous expliquer aux Canadiens pourquoi tant d’infirmières quittent leur poste?

Linda Silas

Vous savez, 36 % des infirmières au Canada ont montré des signes d’épuisement professionnel, de dépression majeure et d’anxiété. C’est très élevé. Elles vont voir leurs gestionnaires et leur disent qu’elles ne peuvent plus continuer ainsi. Et les gestionnaires répondent : « Désolé, vous devez continuer. » Cela entraîne le départ des infirmières. Cette situation exerce une forte pression sur les infirmières, qui se demandent « pourquoi? ». Pourquoi ferais-je subir cela à mon corps? Je pourrais tout aussi bien prendre un emploi à temps partiel ou un emploi occasionnel et accepter des heures supplémentaires ou des quarts de la part d’agences.

Avis Favaro

C’est un rapport qui donne à réfléchir et qui est troublant. Il est également décourageant de constater que le système de soins de santé, si important pour les Canadiens, semble si malmené. Êtes-vous optimiste, Linda?

Linda Silas

C’est une bonne question. Je crois que j’encouragerais encore n’importe quel jeune à aller en soins infirmiers. C’est une belle profession et je suis optimiste quant à notre capacité à la réparer. Nous étions dans cette situation à la fin des années 1990. Certains se souviendront peut-être que les infirmières ne trouvaient du travail qu’aux États-Unis et qu’elles partaient toutes parce que nous pensions qu’il y avait trop d’infirmières et trop de médecins. Nous avons donc supprimé l’école des sciences infirmières et nous avons réalisé que nous avions fait une erreur. Nous l’avons réparée.

Mais ne vous découragez pas. Je crois vraiment que tout le monde, à tous les échelons du gouvernement, dans tous les organismes — et quand je dis organismes, il s’agit d’organismes comme l’ICIS — s’efforce de trouver les preuves que nous pouvons fournir aux gestionnaires et aux décideurs pour améliorer le milieu de travail, car les conditions de travail sont les conditions de soins. Nous devons améliorer les conditions de travail pour que les conditions de soins deviennent excellentes, et c’est ce que nous ferons.

Avis Favaro

Formidable. Merci beaucoup, Linda, d’avoir participé au balado.

Linda Silas

Je vous en prie.

Avis Favaro

La raison pour laquelle les préjudices à l’hôpital font l’objet d’un suivi est qu’ils ont un coût pour la santé et la vie des patients et de leurs familles.

Kathleen Finlay, dont la mère, Lorraine, a fait une chute à la maison qui l’a entraînée dans une série d’hospitalisations, se joint à nous. Kathleen, merci de vous joindre à nous.

Kathleen Finlay

C’est un grand plaisir de vous parler, Avis.

Avis Favaro

Merci. Votre mère a chuté. C’est une histoire très courante, celle des chutes de personnes âgées. Quel âge avait votre mère à l’époque?

Kathleen Finlay

Elle avait alors 88 ans et était en pleine forme. Elle faisait beaucoup de choses de façon autonome.

Avis Favaro

Sa chute était-elle grave? Quelle était la gravité de son état?

Kathleen Finlay

Elle est tombée dans l’escalier entre le deuxième et le premier étage. Il était très tôt le matin. Elle venait de se lever. J’ai entendu un bruit terrible. C’était ma mère. Elle était allongée au bas de l’escalier, et elle était inconsciente. Je n’ai pas pu la réveiller. Il y avait du sang, et elle semblait avoir des os cassés. C’était donc très, très sérieux.

Avis Favaro

Lorsqu’un proche va à l’hôpital, on s’attend à ce qu’il aille mieux et à ce qu’il soit en sécurité.

Kathleen Finlay

Oui. Absolument. Et je m’attendais, une fois remise de mes émotions, à ce que les choses soient faites en vérifiant et en contre-vérifiant, presque comme à la NASA, et à ce que tout le monde sache ce qu’il avait à faire et le fasse dans le bon ordre. Ce serait toujours fait correctement. Il n’y aurait pas d’erreur.

Avis Favaro

Qu’est-il arrivé à votre mère?

Kathleen Finlay

À l’unité de traumatologie, elle a bien récupéré. Au bout d’une semaine, elle parlait à nouveau, reconnaissait tout le monde et appréciait les photos de famille. Nous pouvions avoir des conversations. Elle demandait ce qui lui était arrivé et pourquoi elle était là. À ce moment-là, nous lui avons promis qu’elle allait rentrer chez elle très bientôt.

À l’unité de soins intermédiaires, on lui a administré une combinaison de médicaments qui, selon les experts, ne doivent jamais être administrés à des personnes ayant une lésion cérébrale, et surtout pas à des personnes âgées ayant une lésion cérébrale. Elle a fait un arrêt cardiaque.

Avis Favaro

Son cœur s’est arrêté.

Kathleen Finlay

Son cœur s’est arrêté et elle a cessé de respirer.

Avis Favaro

Comment ou à quel moment avez-vous appris que les médicaments avaient été administrés par erreur?

Kathleen Finlay

Les médecins de l’hôpital ont admis, même si ce n’était pas tout à fait un aveu, qu’il n’aurait peut-être pas fallu procéder de cette manière. Mais lorsque j’ai commencé à creuser la question, lorsque j’ai commencé à consulter des experts, on m’a dit que cette combinaison de médicaments ne doit jamais être administrée à une personne ayant une lésion cérébrale. Il ne s’agit pas d’une pratique exemplaire. Et cette combinaison ne doit certainement pas être administrée à une personne âgée ayant une lésion cérébrale.

Avis Favaro

Ont-ils pu la réanimer?

Kathleen Finlay

Oui. Mais elle n’était plus du tout la même personne. Ce fut le début d’un calvaire de 6 mois, qui n’a cessé de s’aggraver. Elle a eu une pneumonie par aspiration, une grave crise d’épilepsie, d’autres erreurs de médicaments et des complications comme la malnutrition et un très grave ulcère de pression. Et son état n’a cessé de s’aggraver à partir de là.

Avis Favaro

Comment vous sentiez-vous?

Kathleen Finlay

Je suis passée par toute la gamme d’émotions. J’étais très en colère. J’étais très inquiète pour ma mère et ses chances de survie. Mais j’ai été très préoccupée par la façon dont l’hôpital gérait la situation. C’était le genre de situation où vous vous battez pour la vie de votre proche, mais où vous vous battez aussi pour rester en contact avec l’équipe soignante de manière à aider cette personne et à ne pas lui nuire davantage. Il s’agit d’un équilibre très fragile.

Avis Favaro

Que s’est-il passé ensuite?

Kathleen Finlay

Lorsqu’elle est rentrée chez elle, elle n’était pas en très grande forme. Elle avait passé 6 mois à l’hôpital. Mais elle était à la maison, en sécurité, et elle appréciait vraiment d’être avec nous. C’était tout à fait merveilleux.

Avis Favaro

Vous avez donc eu de bonnes années. Mais il y a eu une autre hospitalisation. Y a-t-il eu une erreur? Ou un problème qui découlait de sa première hospitalisation?

Kathleen Finlay

Je pense qu’il s’agissait de nouvelles erreurs. Pendant la période des Fêtes, nous avons remarqué que sa respiration était devenue assez difficile et qu’elle semblait en détresse. Nous avons fait venir les secours et les ambulanciers nous ont dit qu’il valait mieux l’emmener à l’hôpital, et nous avons accepté. On lui a diagnostiqué une infection des voies urinaires, ce qui est assez courant et pas si surprenant, et on lui a administré les mauvais antibiotiques. On lui a administré une solution intraveineuse pour remplacer ce qu’elle avait perdu. Le personnel n’a pas surveillé la perfusion de toute la nuit, apparemment.

Lorsque je suis allée la voir le lendemain matin, elle avait pris beaucoup de poids. Son visage ressemblait à un ballon. Elle était méconnaissable, et elle était dans une telle détresse et une telle douleur. C’était vraiment difficile.

Avis Favaro

Vous avez donc décidé de la ramener chez vous.

Kathleen Finlay

Nous avons stabilisé la situation et l’avons ramenée à la maison, car nous savions qu’il ne lui restait que quelques jours à vivre. Il lui est arrivé des choses vraiment horribles à l’hôpital qui, selon moi, auraient pu et dû être évitées.

Avis Favaro

Ce qui est arrivé à votre mère a fait de vous une défenseure des droits des patients.

Kathleen Finlay

Oui. Je n’ai pas de formation médicale ni en soins de santé, j’ai donc consulté des milliers de pages de recherche. J’ai parlé à d’autres personnes que je connaissais et qui avaient vécu des expériences similaires à l’hôpital. J’ai commencé à beaucoup écrire et les gens ont commencé à communiquer avec moi. J’ai mis sur pied le Center for Patient Protection et le site patientprotection.healthcare en tant que service d’aide et comme moyen de faire avancer la promotion du changement dans les hôpitaux et la manière dont on traite les patients et les familles dans ces situations.

Avis Favaro

Avez-vous encore des nouvelles des gens?

Kathleen Finlay

Oui. Les situations sont toutes différentes, mais elles ont un point en commun : on n’a pas voulu nous écouter. C’est ce que les gens disent et c’est ce que j’ai ressenti; on n’a pas voulu m’écouter. Il est prouvé que les membres de la famille des patients constituent un excellent système d’alerte précoce à l’hôpital. Ils peuvent reconnaître une détérioration de l’état d’un proche beaucoup plus rapidement que les cliniciens. C’est un fait qui a été confirmé par la recherche. Les membres de la famille sont tellement bouleversés lorsqu’ils ne sont pas écoutés. Et parce qu’on ne les écoute pas, le patient subit une autre forme de préjudice.

Avis Favaro

Les dernières données de l’ICIS montrent que les taux de préjudices à l’hôpital enregistrés pendant la pandémie de COVID-19 sont demeurés les mêmes au cours des années qui ont suivi. Ils ont augmenté par rapport à la période précédant la pandémie, mais ils sont demeurés stables. Nous savons que le système hospitalier et les travailleurs de la santé sont soumis à de fortes pressions et qu’ils manquent de personnel sur de nombreux fronts.

Comment faire la différence entre la résolution du problème et les reproches formulés par des travailleurs qui, je le sais, font généralement de leur mieux?

Kathleen Finlay

Oui. Je ne pense pas que c’est une question de blâme. Je pense que c’est une question de protection des patients, Je pense que les excuses doivent devenir la nouvelle normalité. Il peut y avoir des excuses sans reproches. C’est ce que veulent les patients et les familles : qu’un être humain leur dise que ce qu’ils ont vécu est terrible, que cela n’aurait pas dû arriver et qu’il est vraiment désolé. Et pourquoi ne pouvons-nous pas en faire la nouvelle normalité?

Le personnel hospitalier est très stressé. C’est l’une des raisons pour lesquelles je pense que le mouvement en faveur de la sécurité des patients, centré sur la famille, s’est en quelque sorte calmé pendant la pandémie de COVID-19, parce que les gens ne voulaient pas se stresser davantage et que tout le monde reconnaissait que la situation était très mauvaise pour les travailleurs de première ligne. Mais ils ont ainsi perdu les aidants familiaux qui surveillaient les patients et constituaient un système d’alerte précoce.

Avis Favaro

Je vous remercie d’avoir raconté votre histoire et celle de votre mère.

Kathleen Finlay

Merci, Avis. C’était un plaisir.

Avis Favaro

Le nouveau rapport de l’ICIS révèle également que les taux de préjudices à l’hôpital sont plus élevés chez les personnes âgées de 65 ans et plus, et que les hommes sont plus nombreux que les femmes à subir des préjudices au cours d’un séjour à l’hôpital. Il y a là matière à poursuivre la recherche. Le rapport contient des renseignements plus détaillés. Vous trouverez ces renseignements sur le site Web. Allez au www.icis.ca.

Cet épisode a été produit par Jonathan Kuehlein, avec l’aide de notre adjointe à la production, Heather Balmain. Nous saluons Alya Niang, qui anime le balado de l’ICIS en français. Abonnez-vous au Balado d’information sur la santé au Canada et écoutez-le sur la plateforme de votre choix. Ici Avis Favaro. À la prochaine!

 

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